Section II > CHAPITRE I. Actes de violence commis contre les femmes et violences sexuelles > B. Mars 1993 – Septembre 1996
Mars 1993-septembre 1996 : échec du processus de démocratisation et crise régionale
556. Bien qu’elles n’aient pas atteint un seuil aussi élevé que pendant les périodes de guerre, les violences sexuelles pendant les dernières années du régime de l’ancien Président du Zaïre, Mobutu Sese Seko, n’étaient pas un phénomène inconnu et étaient principalement le fait des agents de l’État zaïrois, y compris les FAZ.
557. Les hauts dignitaires et gradés jouissaient d’un pouvoir absolu sur les civils dans leurs sphères d’influences respectives. Au Bas-Congo, à Kinshasa et au Katanga, par exemple, des hauts-gradés ont fréquemment commis des viols1006.
558. Plusieurs sources rapportent l’existence de viols et de prostitution forcée dans les prisons, comme par exemple en 1995 et 1996 dans des centres de détention de Kisangani et de Kinshasa1007, et en 1997 au Maniema où la majorité des femmes détenues auraient subi des sévices sexuels, souvent accompagnés de coups, de la part des agents de l’État1008.
559. Des militantes de partis d’opposition ainsi que les sœurs, épouses ou filles des opposants politiques, principalement du PALU et de l’UDPS, auraient été enlevées, violées ou torturées par les forces de sécurité notamment la BSRS (Circo), la Garde civile et la DSP1009. En 1996, alors que le régime de Mobutu commençait à être menacé, les forces armées et la police ont réprimé les personnes soupçonnées d’être mêlées à la rébellion. On rapporte que plusieurs femmes auraient été arrêtées à Kinshasa, Goma et Uvira par les services de renseignement du SARM1010, du SNIP1011 et par la gendarmerie et qu’elles auraient été violées et battues1012.
560. La fréquence des violences sexuelles qui auraient été commises par les FAZ est emblématique de la tolérance exercée par la hiérarchie militaire à l’égard de ces crimes. Au cours des deux « opérations de pacification » menées par les FAZ au Nord-Kivu en 1995 et 1996, on rapporte que les femmes soupçonnées d’être membres de la milice d’autodéfense Nande, la Ngilima, auraient été arrêtées aux barrages routiers établis par l’armée dans le Rutshuru. Transférée à Goma, une mère de famille de 44 ans aurait été violée par plusieurs soldats du SARM à l’aide de canons de fusil et de bâtons avant d’être exécutée1013. Au Sud-Kivu, les FAZ avaient érigé des barrières à proximité des lieux d’extraction de minerais et avaient violé certaines femmes à leur passage sous prétexte de chercher des minerais dans leurs parties génitales1014. L’exploitation sexuelle par les FAZ était tellement répandue que le « contingent zaïrois pour la sécurisation des camps » chargé par la communauté internationale de désarmer et de maintenir l’ordre dans les camps de réfugiés rwandais dans les Kivu fut surnommé par la population « contingent zaïrois pour la sexualité dans les camps »1015.
561. Au Maniema, des éléments de la gendarmerie, de la Garde civile et des FAZ auraient commis des dizaines de viols au cours de perquisitions, de pillages et de contrôles aux barrages routiers. Dans les communautés rurales, des viols collectifs ont été signalés 1016.
562. Entre 1993 et 1996, les milices tribales auraient aussi perpétré des viols. Lors du conflit ethnique entre les Banyarwanda1017 et les Ngilima, qui a secoué le Nord-Kivu en 1993, des violences sexuelles ont été rapportées, comme par exemple des viols d’écolières dans le Masisi, en avril 1993, sans que l’on puisse en identifier les auteurs ni en mesurer l’ampleur1018. Dans la même région et à la même période, lors du massacre de Binza, en 1993, des éléments armés hutu, soutenus par les FAZ, auraient mutilé et éventré une femme enceinte, probablement Hunde1019. De plus, des cas de viols isolés commis par les réfugiés hutu ont été rapportés dans des témoignages1020. En mai 1996, des hommes se disant Ngilima auraient violé des femmes dans le village de Vichumbi, près du lac Albert en représailles à la mort de l’un des leurs1021. En septembre 1996, des «éléments armés bembe», avec l’aide des FAZ, auraient, quant à eux, violé, souvent collectivement, des femmes banyamulenge après avoir massacré les hommes dans les villages de Kabela1022 et Lueba1023, dans le territoire de Fizi.