Section II > CHAPITRE I. Actes de violence commis contre les femmes et violences sexuelles > E. Janvier 2001-juin 2003 : Vers la transition > Provinces du Maniema et du Katanga
Province du Maniema
Les forêts du Maniema abritent une multitude de groupes Mayi-Mayi qui ont livré une guerre de guérilla à l’ANC/APR/FRD. S’il est vrai que des éléments de l’ANC/APR/FRD ont commis des violences sexuelles, notamment dans le territoire de Kasongo et à Kindu et dans les environs1156, c’est l’ampleur des viols et des enlèvements commis par les divers groupes Mayi-Mayi qui attire l’attention1157. En 2002 et 2003, 238 cas de viols ont été enregistrés pour le seul petit village de Lubelenge1158.
La violence sexuelle était apparemment devenue un mode de fonctionnement chez les Mayi-Mayi. Les femmes et les filles qui se livraient à leurs activités quotidiennes devaient accepter de prendre le risque d’être violées ou enlevées. À Kindu, les victimes ont été le plus souvent agressées alors qu’elles quittaient la ville pour s’approvisionner en nourriture pendant le blocus. La présence de leur époux ou d’un voisin ne dissuadait pas les agresseurs qui, au contraire, n’hésitaient pas à violer les femmes devant ce dernier. Les Mayi-Mayi ont aussi souvent obligé des membres d’une même famille à avoir des relations sexuelles en public. Les viols auraient régulièrement été commis de façon collective et publique lors des pillages et lors des représailles. Les hommes auraient aussi été victimes de violence sexuelle. D’une façon générale, les violences sexuelles s’accompagnaient d’autres violences telles que des meurtres et des traitements cruels, inhumains et dégradants, dont les coups de fouet.
Entre 2002 et le premier trimestre 2003, les Mayi-Mayi auraient kidnappé, violé et utilisé comme esclaves sexuelles des centaines de femmes originaires de Kalima et ses alentours. Emmenées dans les camps, certaines femmes restaient plusieurs jours et d’autres plusieurs mois, violées quotidiennement par plusieurs hommes. Elles étaient soumises à toutes sortes de traitements humiliants et dégradants. Les viols subis pendant une grossesse ont souvent entraîné la perte de l’enfant ou de graves complications à la naissance1159.
Une ONG locale a donné le chiffre de 2 500 femmes violées par les Mayi-Mayi et les militaires de l’ANC/APR/FRD dans les collectivités de Maringa, Mulu et Bakwange du territoire de Kasongo entre 1999 et 20031160. Même si l’on veut questionner l’exactitude de ce nombre, il traduit néanmoins l’ampleur dramatique des violences sexuelles commises contre les femmes du Maniema.
Province du Katanga
À Malemba Nkulu, au Nord-Katanga, des éléments Mayi-Mayi et les FDLR combattant à leurs côtés à Nyunzu, dans le Tanganika, auraient commis de nombreux viols. Les femmes qui se déplaçaient d’une ville à une autre, se rendaient au champ ou au marché, sont souvent tombées dans des embuscades. Entre 2001 et 2003, dans le territoire de Malemba Nkulu, les différents groupes Mayi-Mayi auraient enlevé des dizaines de petites filles âgées de 8 à 12 ans. Une fois enlevées, les petites filles étaient obligées d’aider les Mayi-Mayi à transporter les biens pillés, à faire la cuisine et le ménage. La nuit, elles servaient d’esclaves sexuelles et étaient obligées d’avoir des relations sexuelles avec plusieurs Mayi-Mayi1161. De plus, certains groupes Mayi-Mayi auraient commis des mutilations sexuelles. Des témoins ont ainsi rapporté que les combattants Mayi-Mayi, notamment dans le village de Sola dans le territoire de Kongolo, portaient des mains, des seins, des sexes et des oreilles comme amulettes1162.
Comme mentionné précédemment, les FAC auraient également commis des viols dans leurs lieux de stationnement ou lors d’opérations de représailles contre les Mayi-Mayi. Ces opérations ciblaient presque toujours la population civile, comme par exemple dans le village de Ngwena Mai dans le territoire de Kabalo en mars 20021163.
Un rapport de 2002 parrainé par UNIFEM illustre le quotidien des femmes: « La zone qui descend de Pweto jusqu’à la frontière de la Zambie, et qui remonte vers Aru à la frontière du Soudan et de l’Ouganda est un trou noir où (…) les femmes prennent un risque quand elles se rendent dans les champs où lorsqu’elles marchent sur une route pour se rendre au marché. À tout moment, elles peuvent se retrouver nues, humiliées et violées en public. De très nombreuses personnes ne dorment plus chez elles, même si dormir dans les fourrés est tout aussi dangereux. Chaque nuit, un nouveau village est attaqué. Cela peut être le fait de n’importe quel groupe, personne ne le sait, mais ils emmènent toujours les femmes et les filles »1164.
Durant ces dix ans, et maintenant encore, nombreuses sont les femmes qui ont été violées plusieurs fois, et ce par différents groupes, ironiquement en représailles pour avoir soutenu « l’ennemi », dont elles avaient pourtant été les victimes. Lorsqu’elles survivent aux viols, au lieu d’être soutenues par leurs communautés, les femmes sont généralement rejetées par leurs maris et leurs familles. Sans aucun soutien moral ou économique, elles doivent faire face aux conséquences des viols, dont naissent parfois des enfants, mutilées, appauvries, traumatisées et victimes d’ostracisme. Les femmes sont ainsi victimisées plusieurs fois: la première fois lorsque le crime est commis, puis lorsqu’elles sont rejetées par leur famille et communauté et finalement du fait de l’impunité quasi-totale qui règne pour les auteurs de ces crimes.