Attaques contre les réfugiés hutu : Walungu et Kabare (Sud Kivu)

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200. En 1996, le HCR estimait le nombre de réfugiés dans les camps des territoires de Walungu, Kabare et Kalehe, communément appelés « les camps de Bukavu » à 307 499 personnes, reparties entre 26 camps: Kamanyola, Izirangabo, Karabangira, Nyangezi (Mulwa), Nyantende, Muku et Mushweshwe au sud de Bukavu, Bideka, Chimanga (Burhale), Bulonge (un camp non reconnu par le HCR), Nyamirangwe et Chabarhabe à l’ouest de la ville, Panzi, Nyakavogo, Mudaka/Murhala, INERA [Institut national pour l’étude et la recherche agronomique], ADI-Kivu [Action pour le développement intégré au Kivu], Kashusha, Katana, Kalehe, Kabira, au nord de Bukavu et Chondo, Chayo, Bugarula, Maugwere et Karama sur l’île d’Idjwi200

201. Au cours de leur progression vers Bukavu, les troupes de l’AFDL(Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) /APR (Armée Patriotique Rwandaise) ont détruit les camps de fortune construits par les réfugiés rescapés des massacres commis dans la plaine de la Ruzizi (territoire d’Uvira) et à l’ouest de la ville de Bukavu. À partir du village de Nyantende, les troupes de l’AFDL/APR se sont divisées en deux groupes. Un premier groupe a poursuivi en direction de Bukavu en passant par Buhanga, Mushweshwe, Comuhini, Chabarhabe, Ciriri et Lwakabirhi; un autre a pris la direction de Walungu-centre en passant par Muku, Cidaho et Cidodobo. Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :

  • Le 20 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR en provenance de Bwegera et de la ville rwandaise de Bugarama ont attaqué le camp de réfugiés de Kamanyola, dans le territoire de Walungu, tuant un nombre indéterminé de réfugiés et de civils zaïrois. Les militaires ont ensuite jeté les corps des victimes dans les latrines du camp201.
  • Le 21 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué un nombre indéterminé de réfugiés au niveau de Nyarubale, dans les collines de Kalunga, à 2 kilomètres de Kamanyola. Fuyant l’attaque contre leur camp de Kamanyola, ces réfugiés tentaient de rejoindre Bukavu. Certains ont été surpris pendant qu’ils se reposaient et d’autres ont été interceptés par des militaires au niveau des barrières érigées le long des routes. Les personnes répondant aux saluts en swahili des militaires avec un accent rwandais ou burundais étaient systématiquement exécutées. Les corps des victimes ont ensuite été enterrés par la population locale202.

202. À partir du 22 octobre 1996, devant l’avancée des troupes de l’AFDL/APR, les réfugiés des camps de Nyangezi et Nyantende ont commencé à fuir en direction de Bukavu. À partir du 26 octobre 1996, les militaires ont lancé des attaques contre les camps situés au sud et à l’ouest de la ville de Bukavu. Dans la plupart des cas, les réfugiés avaient déjà quitté les camps avant l’arrivée des militaires pour fuir en direction des camps de Kashusha, INERA et ADI-Kivu (au nord de Bukavu) et Chimanga (à l’ouest de Bukavu en direction de Shabunda). Le 26 octobre, des militaires de l’AFDL/APR ont incendié le camp déjà abandonné de Muku, à 10 kilomètres de Bukavu dans le territoire de Walungu. Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :

  • Le 26 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plusieurs centaines de réfugiés en fuite le long des axes reliant Nyantende à Walungu-centre et Nyantende à Bukavu. Les victimes venaient pour la plupart du territoire d’Uvira et de la plaine de la Ruzizi. Elles ont été tuées par balles, à coups de baïonnette ou sous l’effet d’éclats d’obus. Les militaires ont incendié la plupart des sites où se trouvaient les réfugiés. La majorité des victimes étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées. Selon les témoignages recueillis, les militaires ont tué entre 200 et 600 personnes. Les corps des victimes ont été enterrés sur place par la population locale203.
  • À la date du 28 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR en provenance de Nyangezi ont tué cinq réfugiés dans le village de Lwakabiri, situé à 30 kilomètres à l’ouest de Bukavu204.

203. Après la prise de Bukavu le 29 octobre 1996, les troupes de l’AFDL/APR ont continué leurs opérations contre les camps situés au nord de la ville. Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :

  • Le 2 novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont attaqué à l’arme lourde le camp de Kashusha/INERA dans le territoire de Kabare, tuant des centaines de réfugiés. Débordés, les FAZ du Contingent zaïrois pour la sécurité des camps (CZSC)205 ont pris la fuite suivis par une partie des réfugiés. Au cours de l’attaque, les militaires de l’AFDL/APR ont tiré de façon indiscriminée sur les FAZ, les ex-FAR/Interahamwe et les réfugiés206.
  • Aux alentours du 22 novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plusieurs centaines de réfugiés dans le camp de Chimanga situé à 71 kilomètres à l’ouest de Bukavu. À leur arrivée dans le camp, les militaires ont demandé aux réfugiés de se rassembler afin d’assister à une réunion. Les militaires leur ont ensuite promis d’abattre une vache et de leur donner la viande afin qu’ils puissent reprendre des forces et rentrer dans de bonnes conditions au Rwanda. Ils ont ensuite commencé à enregistrer les réfugiés en les regroupant par préfecture d’origine. À un moment cependant, un coup de sifflet a retenti et les militaires positionnés tout autour du camp ont ouvert le feu sur les réfugiés. Selon les différentes sources, entre 500 et 800 réfugiés ont ainsi été tués207.
  • En janvier 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué au moins trente réfugiés rwandais et burundais, pour la plupart à l’arme blanche sur la route Bukavu-Walungu, à environ 16 kilomètres de la ville de Bukavu. Les victimes avaient été arrêtées dans le cadre d’une opération de ratissage. Avant de tuer les victimes, les militaires les ont souvent torturées et mutilées208.
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200 Office of the Regional Special Envoy of UNHCR, Kigali, Rwanda, Zaïre: « UNHCR population statistics as of 26 September 1996 ».
201 Entretiens avec l’Équipe Mapping, Sud-Kivu, avril 2009; documents confidentiels remis à l’Équipe d’enquête du Secrétaire général en 1997/1998; Église luthérienne, Rapport d’enquête sur les violations des droits de l’homme à l’est du Congo, mai 1997, p. 8.
202 Entretiens avec l’Équipe Mapping, Sud-Kivu, février 2009 et avril 2009; Rapport de l’Équipe d’enquête du Secrétaire général (S/1998/581).
203 Entretiens avec l’Équipe Mapping, Sud-Kivu, décembre 2008 et mars 2009; témoignages recueillis par l’Équipe d’enquête du Secrétaire général en 1997/1998; CADDHOM, « Les atrocités commises en province du Kivu 1996-1998 », p. 5; Comité Palermo Bukavu, « Les morts de la libération », juin 1997, p. 5-6.
204 Entretiens avec l’Équipe Mapping, Sud-Kivu, mai 2009; liste des personnes tuées dans la paroisse de Ciriri de 1996 à 2008 par différents groupes armés, remise à l’Équipe Mapping en 2009.
205 Cette unité était financée depuis 1995 par le HCR pour assurer la protection de ses installations.
206 Rapport de l’Équipe d’enquête du Secrétaire général (S/1998/581); documents confidentiels remis à l’Équipe d’enquête du Secrétaire général en 1997/1998; HRW, « Zaïre: Attacked by all Sides. Civilians and the War in Eastern Zaïre», 1997, p. 13; CADDHOM, « les atrocités commises en province du Kivu 1996-1998 », p. 5; ICHRDD & ASADHO [International Centre for Human Rights and Democretic Development & Association africaine de défense des droits de l’homme], « International Non-Governmental Commission of Inquiry into the Massive Violations of Human Rights Committed in the DRC – Former Zaïre – 1996-1997»,1998, p. 14.
207 Rapport de l’Équipe d’enquête du Secrétaire général (S/1998/581); Témoignages recueillis par l’Équipe d’enquête du Secrétaire général en 1997/1998; Ospiti/Peacelink, « Les violations des droits de l’homme dans le territoire contrôlé par l’AFDL », non daté, p. 3.
208 Entretiens avec l’Équipe Mapping, Sud-Kivu, mars 2009; The Guardian, « Truth Buried in Congo’s Killing Fields »,19 juillet 1997, p. 2.