Section I > CHAPITRE IV. Janvier 2001-juin 2003 : Vers la Transition > B. Ituri
404. Au cours du second semestre 2000, le conflit latent entre le Président du RCD-ML, Wamba dia Wamba, et ses deux principaux lieutenants, le Nande Mbusa Nyamwisi715 et le Hema John Tibasima716, a éclaté au grand jour. Depuis longtemps déjà, Wamba dia Wamba reprochait à Nyamwisi et Tibasima de chercher à instrumentaliser le conflit communautaire entre Hema et Lendu717 afin d’asseoir leur pouvoir dans le district et de contrôler les ressources naturelles de la région. En août 2000, Wamba dia Wamba avait tenté de reprendre le contrôle du mouvement en démettant de leurs fonctions Nyamwisi et Tibasima, mais ces derniers avaient résisté et les incidents sur le terrain s’étaient multipliés entre les différentes factions de l’APC. Après plusieurs vaines tentatives de médiation de la part de l’Ouganda et une série d’affrontements en plein cœur de Bunia, Wamba dia Wamba est parti en exil à Kampala en décembre, laissant la direction du RCD-ML à Nyamwisi et Tibasima.
405. En janvier 2001, l’Ituri a connu un regain de violence dans le territoire de Djugu. Entre janvier et février, des miliciens hema en provenance de Bogoro, généralement accompagnés de militaires hema de l’APC et de militaires de l’UPDF ont mené des attaques indiscriminées dans la collectivité des Walendu Tatsi, voisine de la collectivité de Bahema-Nord, tuant un nombre indéterminé de civils lendu. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Le 4 janvier 2001, lors d’une attaque manquée sur Kpandroma, des miliciens hema basés à Fataki ont tué au moins 35 civils lendu dans le groupement Zabu de la collectivité des Walendu Pitsi, notamment à Aruda et Mola et dans les environs718.
- Début 2001, des miliciens hema ont tué au moins 16 personnes et enlevé deux mineures depuis lors portées disparues dans les groupements de Salimboko, Poli-Masumbuku et Penyi de la collectivité des Walendu Tatsi719.
- Début 2001 également, des miliciens lendu ont tué un nombre indéterminé de civils, parmi lesquels une majorité de Hema et d‘Alur dans les villages bordant le lac Albert dans les collectivités des Bahema Banywagi et Bahema-Nord720.
- Entre janvier et février 2001, des militaires de l’UPDF ont attaqué une vingtaine de villages de la collectivité des Walendu Tatsi, tuant une centaine de personnes, dont de nombreux civils lendu. Au cours des attaques, les militaires ont aussi commis des viols et des pillages et fait disparaître un nombre indéterminé de personnes. La plupart des victimes ont été tuées dans les villages situés autour de la centrale de Zumbe, dans le groupement de Bedu Ezekere, où elles s’étaient regroupées sous la protection des miliciens lendu721.
- Le 3 février 2001, des miliciens hema et des troupes de l’UPDF ont tué 105 personnes, dont de nombreux civils lendu, dans les villages du groupement de Bulo de la collectivité Ndo Okebo, dans le territoire de Djugu. Les victimes étaient souvent originaires de la collectivité des Walendu Pitsi. Elles s’étaient réfugiées dans le groupement de Bulo à la suite des récentes attaques dirigées contre leur village722.
406. Fin 2000, le conflit entre Hema et Lendu a fini par atteindre le territoire d’Irumu. Les militaires de l’UPDF ont apporté leur soutien aux communautés hema locales et des incidents violents ont éclaté sur le terrain. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Entre le 9 et le 18 janvier 2001, des miliciens hema ont tué une soixantaine de personnes, dont de nombreux civils lendu et ngiti723, dans le village de Kotoni, dans le territoire d’Irumu, et ses environs724.
407. Après le bombardement de la collectivité de Walendu Bindi par un hélicoptère de l’UPDF, des miliciens ngiti, d’origine commune avec les Lendu de Djugu en provenance de la collectivité de Walendu Bindi ont, le 19 janvier 2001, lancé une attaque contre les positions de l’UPDF à l’aéroport de Bunia. Au cours de l’attaque, les miliciens ngiti ont tenté de détruire l’hélicoptère qu’avait utilisé l’UPDF pour bombarder leurs villages. L’UPDF a fini par repousser l’attaque mais au prix d’importantes pertes en vies humaines. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Le 19 janvier 2001, des miliciens et des civils hema ont tué entre 200 et 250 civils d’ethnies lendu, ngiti, nande et bira dans le quartier de Mudzipela de la ville de Bunia. Les victimes, qui comptaient un grand nombre de femmes et d’enfants, ont été tuées à coups de machettes, de lances ou de bâtons cloutés. La plupart d’entre elles ont subi des mutilations. Certaines ont été décapitées et leur tête portée en guise de trophées à travers la ville. Les miliciens et les civils hema ont aussi pillé systématiquement les biens des victimes et incendié plusieurs maisons. Peu de temps avant le massacre, des officiers de l’UPDF et des notables de la communauté hema de Bunia avaient, lors d’une réunion, appelé les civils hema à s’attaquer aux populations lendu725.
408. Afin de ramener le calme en Ituri et d’éviter de nouvelles fragmentations au sein du RCD-ML, l’Ouganda a contraint le RCD-ML et le MLC à se regrouper au sein d’un nouveau mouvement, le Front de libération du Congo (FLC) présidé par Jean-Pierre Bemba726. Le 6 février 2001, le FLC a organisé des consultations avec les chefs traditionnels de l’Ituri et le 17 février, ces derniers ont signé un protocole d’accord prévoyant notamment une cessation immédiate des hostilités, le désarmement des miliciens et le démantèlement des camps d’entraînement727. Au cours des mois qui ont suivi, le nombre de violations a diminué sensiblement. Toutefois, les tensions intercommunautaires sont restées fortes sur le terrain et les milices ont continué de s’armer. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Le 26 avril 2001, des hommes armés ont tué six membres du CICR lors d’une attaque contre un convoi humanitaire dans les environs de Fataki de la collectivité des Walendu Djatsi, dans le territoire de Djugu. Des sources locales indiquent que l’attaque aurait été perpétrée par des militaires ougandais et des miliciens hema. L’attaque aurait eu pour objectif de mettre un terme à la présence du personnel humanitaire dans des zones où s’étaient réfugiés des déplacés lendu. Au cours de la période considérée, de nombreuses sources indiquent que les milices et groupes armés hema auraient fortement entravé le travail des organismes humanitaires dans les zones peuplées en majorité de Lendu728.
- En 2001, des militaires hema de l’APC ont tué 40 Lendu, parmi lesquels une majorité de civils, dont des femmes, des enfants, des vieillards et des handicapés, dans le village de Gobu de la collectivité de Bahema-Nord. Les victimes ont été conduites près d’une fosse et ont été fusillées. Leurs corps ont ensuite été jetés dans la fosse729.
- En janvier 2002, des troupes de l’UPDF et des miliciens hema ont ouvert le feu sur la population du village de Kobu de la collectivité des Walendu Djatsi, dans le territoire de Djugu, tuant 35 civils lendu. En entrant dans le village, les militaires ougandais ont tué quatre civils lendu au marché, dont un handicapé mental. La quasi-totalité de la population a pris la fuite et s’est cachée dans la forêt pendant près de deux mois. À leur retour dans le village, les villageois ont trouvé 35 corps décomposés qu’ils ont enterrés en divers lieux. Les responsables de ce massacre cherchaient à faire partir les populations lendu de la zone de Kobu, à proximité des mines d’or de Kilomoto. Après la tuerie, la population de Kobu a adressé une pétition au Gouverneur Lopondo qui s’est rendu peu de temps après sur les lieux en compagnie de responsables de l’UPDF. À la suite de cette visite, les militaires de l’UPDF ont quitté la zone730.
- Le 26 janvier 2002, des miliciens hema ont tué une centaine de Lendu dans une forêt située à quelques kilomètres de Datule, dans la collectivité de Bahema-Sud du territoire d’Irumu. Les victimes avaient été chassées du village de Datule, la veille, par un commandant de l’UPC. Elles ont été tuées à coups de machettes, de lances ou de bâtons cloutés. Seule une jeune fille de 13 ans a survécu à l’attaque731.
- Le 28 janvier 2002, des miliciens hema ont tué et mutilé une cinquantaine de civils lendu dans la localité de Kasenyi du territoire d’Irumu. Après avoir été informées du massacre survenu le 26 janvier, les victimes avaient fui le village de Datule le 27 janvier dans l’espoir de rejoindre des villages lendu de la collectivité de Walendu Bindi. Elles étaient cachées dans un poste de police lorsqu’elles ont été surprises et tuées732.
- Entre janvier et mai 2002, des miliciens hema de la région ont procédé au recrutement forcé de tous les hommes d’ethnie Alur vivant dans le village de Gobu de la collectivité de Bahema-Nord du territoire de Djugu733.
- Entre février et avril 2002, des éléments de l’UPDF et des miliciens hema ont tué plusieurs centaines de civils lendu dans la collectivité de Walendu Bindi du territoire d’Irumu. Ils ont aussi torturé et violé un nombre indéterminé de personnes. Les villages d’Aveba, Bukiringi, Nombe, Kaswara, Djino, Kagaba, Biro, Kapalayi, Gety étang, Tsubina, Kinyamubaya, Karach, Bolomo, Bachange, Tsede, Molangi, Tamara, Irura, Modiro, Mukiro et Anyange ont tous été pillés734.
409. À compter de février 2002, sur fond de rivalités économiques grandissantes entre les hommes d’affaires hema et nande et de désaccords concernant les nouvelles orientations stratégiques prises par le Mouvement735, le Ministre de la défense du RCD-ML, Thomas Lubanga, et les militaires hema de l’APC ont rompu avec le RCD-ML pour former un groupe politico-militaire hema, l’Union des patriotes congolais (UPC). En réaction, Mbusa Nyamwisi et les officiers nande de l’APC soutenus par certains membres de l’UPDF ont réduit l’influence des Hema dans le district736, intensifié leur coopération avec les FAC737 et encouragé les miliciens lendu et ngiti à se regrouper au sein de groupes politico-militaires, le Front National Intégrationiste (FNI)738 et les Forces de résistance patriotique en Ituri (FRPI)739. Au cours de 2002, ces différents groupes armés ont reçu d’importants stocks d’armements en provenance d’Ouganda et du Gouvernement de Kinshasa. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- À compter du 21 mai 2002 et au cours des six mois suivants, des éléments de l’UPC ont tué au moins 46 civils, pour la plupart d’ethnie bira, dans la localité de Walu du groupement de Ngombe-Nyama, dans le territoire d’Irumu. Les miliciens ont aussi violé un nombre indéterminé de femmes, commis des pillages et détruit des établissements d’enseignement et des hôpitaux. Ces attaques auraient été décidées en représailles du fait de l’aide apportée aux Lendu par les Bira au cours d’attaques précédentes menées contre les Hema de la région740.
- En mai 2002, des miliciens lendu accompagnés de civils ont tué au moins 80 personnes, pour la plupart des Hema et des Alur, dans le village de Gobu de la collectivité de Bahema-Nord. Les victimes étaient des civils ou des militaires mis hors de combat. La plupart ont été exécutés sommairement à l’arme blanche. D’après plusieurs témoignages, les miliciens hema qui se trouvaient sur les lieux avaient fui avant l’entrée des miliciens lendu dans le village741.
- Début juin 2002, des éléments de l’UPDF et des miliciens hema ont tué sans discrimination des miliciens lendu et un nombre indéterminé de civils dans les villages lendu de la collectivité des Walendu Pitsi. À titre d’exemple, en juin 2002, des miliciens hema et des éléments de l’UPDF ont tué au moins 27 personnes dans la localité de Buba742.
410. En juin 2002, face à l’avancée des miliciens lendu dans la collectivité de Banyali-Kilo du territoire de Djugu, le Conseil de sécurité local de la ville de Mongwalu a décidé de chasser ou d’éliminer les Lendu vivant dans la ville. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Le 10 juin 2002, des éléments de l’UPC appuyés par de jeunes locaux ont attaqué systématiquement les maisons des Lendu vivant à Mongwalu, tuant une vingtaine de civils. Les victimes, qui vivaient à Mongwalu depuis longtemps, ont été tuées par balle et à l’aide de bâtons cloutés743.
- Le 11 juin 2002, en représailles au massacre commis la veille, plusieurs centaines de Lendu venant des villages de Kobu, Bambou et Kpandroma ont tué des dizaines de civils à l’arme blanche, pour la plupart d’ethnie hema, dans la ville de Mongwalu. À la suite de ce massacre, les Hema ont quitté Mongwalu744.
411. Début août 2002, des éléments de l’UPC, avec le soutien des troupes de l’UPDF, seraient parvenus à chasser des éléments de l’APC de la ville de Bunia. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Entre le 7 et le 10 août 2002, à Bunia, 300 civils au moins ont été tués sur la base de leur appartenance ethnique, la plupart par des miliciens de l’UPC. Entre les 7 et 8 août, des éléments de l’UPC ont tué un nombre indéterminé de civils bira, lendu et nande lors des raids effectués dans les quartiers de Mudzipela, Bigo et Saio. Des miliciens lendu et ngiti ont répliqué en tuant un nombre indéterminé de civils hema dans les quartiers de Mudzipela, Saio, Rwambuzi et Simbiliabo. Dans le même temps, des miliciens lendu et ngiti ont tué 32 civils hema et en ont blessé et mutilé un nombre indéterminé dans une ferme du village de Lengabo, à quelques kilomètres de Bunia. Entre les 9 et 11 août, des éléments de l’UPDF et de l’UPC ont tué au moins 80 civils lendu, nande et bira au niveau de la résidence du Gouverneur, à l’hôpital de Bigo et à la prison centrale de Bunia. Les corps des victimes ont ensuite été placés dans des fosses communes745.
412. Au cours des mois suivants, de violents combats ont éclaté sur plusieurs fronts entre, d’un côté, des éléments de l’UPC et de l’UPDF et, de l’autre, ceux de l’APC et du FNI-FRPI. Les deux coalitions ont pris pour cible les populations civiles sur la base de leur appartenance ethnique. De nombreux civils issus de tribus non belligérantes ont aussi été massacrés en raison de leur soutien réel ou supposé en faveur de l’un ou de l’autre camp. Nombre d’entre eux ont aussi été victimes de recrutement forcé au sein des différents groupes armés. Les régions minières situées au nord de Bunia, dont le contrôle était considéré comme stratégique par les différents groupes en présence ont été le théâtre de combats particulièrement violents.
413. Le 9 août 2002, après avoir dû quitter précipitamment Bunia, le Gouverneur Lopondo, les troupes de l’APC et les miliciens lendu et ngiti746 se sont installés à Komanda en vue de préparer la contre-offensive. De son côté, l’UPC a consolidé ses positions au sud de Bunia afin de prévenir la contre-attaque des éléments de l’APC et des FNI-FRPI et de placer sous son contrôle les ressources minières de la zone. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Le 9 août 2002, des éléments de l’APC et des miliciens lendu et ngiti ont tué des dizaines de civils, pour la plupart hema, dans la ville de Komanda et les villages environnants de la collectivité de Basili-Basumu, dans le territoire d’Irumu. Guidés par des miliciens ngiti qui s’étaient infiltrés dans le village ainsi que par de jeunes locaux, les éléments de l’APC et les miliciens sont passés de maison en maison pour tuer des civils hema au seul motif de leur appartenance ethnique. Les victimes ont pour la plupart été tuées à l’arme blanche. Certaines ont été ligotées puis tuées à coup de lance747.
- Du 14 au 19 août 2002, des éléments de l’UPC ont tué plus d’une cinquantaine de civils de différentes ethnies lors d’une attaque sur le village de Komanda. Les victimes, pour la plupart, ont été tuées par balle ou à l’arme blanche alors qu’elles fuyaient Komanda en direction de Beni. Nombre de ces victimes avaient quitté Bunia quelques jours auparavant à la suite de la prise de la ville par l’UPC et s’étaient réfugiées à Komanda. L’attaque de l’UPC visait à venger le massacre commis à Komanda le 9 août748.
- Le 28 août 2002, des miliciens hema-gegere associés à l’UPC ont tué à l’arme blanche plusieurs dizaines d’habitants « non-originaires »749 dans la ville aurifère de Mabanga de la collectivité de Mambisa, dans le territoire de Djugu. Les victimes ont été tuées à coups de machette ou de bâton clouté. Seize d’entre elles sont mortes clouées sur des planches en bois. Les miliciens hema-gegere assimilaient les « non-originaires » au Gouverneur Lopondo et aux militaires de l’APC. Alors que les milices lendu cherchaient à prendre le contrôle des mines de la région, les miliciens hema-gegere craignaient que les « non-originaires » les aident dans cette entreprise. Lors de précédents combats à Mabanga, les miliciens lendu avaient tué systématiquement les civils hema mais avaient épargné les populations « non-originaires ». Après le massacre, des troupes de l’UPDF sont intervenues pour couvrir la fuite des non-originaires vers Bunia750.
- Le 31 août 2002, des éléments de l’UPC soutenus par des miliciens bira ont tué au moins 14 civils, dont des femmes et des enfants, dans plusieurs villages de la localité de Songolo de la collectivité de Walendu Bindi, dans le territoire d’Irumu. Ils ont aussi commis des actes de pillage et de destruction généralisée en incendiant plus d’un millier de maisons. Plusieurs victimes ont été mutilées et tuées de façon extrêmement cruelle. Trois femmes au moins ont été empalées. Songolo était considérée comme l’un des fiefs du FRPI751.
- Entre le 5 et le 15 septembre 2002, des éléments des FRPI et de l’APC ont massacré systématiquement plus d’un millier de civils hema-gegere et bira, dont de nombreux enfants, dans la localité de Nyakunde et les villages environnants de la collectivité d’Andisoma, dans le territoire d’Irumu. Ils ont également commis de nombreux actes de pillage. Les victimes ont été tuées sur la seule base de leur appartenance ethnique, pour la plupart à l’aide de flèches ou d’armes blanches. Les éléments de l’APC et des FRPI avaient érigé des barrages sur les routes afin qu’aucune personne d’ethnie hema ou bira ne puisse s’échapper de Nyakunde. Dans le Centre médical évangélique, des miliciens des FRPI ont trié les civils ainsi que les militaires mis hors de combat présents sur les lieux en fonction de leur origine ethnique. Ils ont tué systématiquement les Hema et les Bira et épargné les membres des autres groupes ethniques. De nombreuses victimes ont été détenues dans des conditions cruelles, inhumaines ou dégradantes pendant plusieurs jours avant d’être finalement exécutées. La plupart des massacres ont eu lieu alors que les combats avec les miliciens de l’UPC présents à Nyakunde avaient pris fin depuis déjà plusieurs jours752.
- Le 13 septembre 2002, des éléments des FRPI en provenance de Gety ont tué environ 150 personnes, dont de nombreux civils, pour la plupart hema, dans le groupement lacustre de Bandikado de la collectivité Bahema–Sud, dans le territoire d’Irumu. Ils ont par exemple tué et mutilé un nombre indéterminé de personnes dans la localité de Nyamavi. Avant de quitter le groupement, ils ont également pillé les villages. Ces attaques ont provoqué le déplacement de milliers de personnes pendant plusieurs années753.
- Le 11 octobre 2002, dans le territoire de Djugu, des éléments du FNI venant de la collectivité des Walendu Djatsi ont tué un nombre indéterminé de civils alur, hema, bira et nyali dans la cité minière de Nizi de la collectivité de Mambisa. Sur le site minier de Kilomoto, ils ont également tué 28 personnes et enlevé 23 femmes. Au cours de ces attaques, les miliciens ont mutilé de nombreuses victimes, commis des pillages à grande échelle et incendié de nombreux bâtiments, parmi lesquels le bureau de la collectivité, des écoles et un hôpital. Les corps des victimes ont été enterrés dans neuf fosses communes. Selon les témoins, les miliciens du FNI reprochaient aux habitants de la ville, toutes ethnies confondues, de soutenir l’UPC754.
414. Entre octobre et décembre 2002, les affrontements entre les éléments des FNI-FPRI et ceux de l’UPC se sont généralisés dans le territoire d’Irumu. Les troupes de l’UPC ont mené dans ledit territoire des opérations militaires majeures contre les bases des FRPI situées dans la collectivité de Walendu Bindi et les enclaves lendu de la collectivité de Bahema-Sud. Les fermiers bira vivant à Pinga, dans la localité de Songo du territoire d’Irumu ont également été attaqués, l’UPC les soupçonnant de financer le FNI et les FRPI. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Entre le 15 et le 16 octobre 2002, des miliciens de l’UPC ont tué au moins 180 personnes, dont des civils, dans la localité de Zumbe de la collectivité des Walendu Tatsi. Les miliciens ont également violé au moins 50 femmes. La plupart des victimes ont été tuées à coups de machette ou de lance. Certaines ont été tuées par balle. Certaines ont survécu mais ont été gravement mutilées. Après avoir pillé de nombreux biens et volé 1 500 têtes de bétail, les troupes de l’UPC ont incendié le village, détruisant plus de 500 édifices, parmi lesquels des centres sanitaires et des écoles. Zumbe était un fief du FRPI755.
- Le 20 octobre 2002, des éléments de l’UPC venant de Bunia et Bogoro ont tué au moins 10 civils lendu au cours d’attaques sur plusieurs villages, parmi lesquels ceux de Nombe, Medhu, Pinga, Kagaba, Singo et Songolo, dans la collectivité de Walendu Bindi du territoire d’Irumu. Une femme bira mariée à un civil lendu a également été tuée. Les miliciens ont pillé systématiquement les biens et volé le bétail appartenant aux Lendu dans les villages attaqués756.
- Le 24 octobre 2002, des éléments de l’UPC ont tué plusieurs dizaines de Lendu dans la collectivité de Walendu Bindi, notamment dans les villages de Nombe, Kagaba, Lakabo, Lokpa, Medhu, Songolo, Pinga, Androzo et Singo. La plupart des victimes ont été tuées à l’arme blanche. Les miliciens ont également enlevé plus d’une vingtaine de personnes, dont des femmes. Ils ont aussi volé quelque 1 450 têtes de bétail et brûlé au moins 351 maisons, dont des écoles et des centres sanitaires757.
- Le 5 novembre 2002, des éléments des FRPI ont tué au moins 14 civils, dont deux femmes, dans le village de Saliboko de la collectivité de Mobala, dans le territoire d’Irumu. Ils ont également pillé et incendié le village. Les victimes étaient pour la plupart des Bira. Elles ont été attaquées de nuit dans leurs maisons. Après avoir été ligotées, elles ont été tuées à coups de machette. Certains civils ont réussi à s’enfuir mais ils ont souvent été gravement mutilés. Les miliciens reprochaient aux Bira de Saliboko d’avoir hébergé des déplacés hema. Depuis lors, le village n’a pas été reconstruit758.
415. À compter de septembre 2002, la signature d’un accord entre la RDC et l’Ouganda a offert de nouvelles perspectives de paix en Ituri. Outre le retrait des troupes de l’UPDF de Gbadolite et de Beni, l’accord prévoyait la création d’une Commission de pacification de l’Ituri et la mise sur pied d’une Administration intérimaire de l’Ituri (AII) en charge de gérer le district après le départ des militaires ougandais. Sur le terrain, cependant, loin de stabiliser la région, le rapprochement entre Kinshasa et Kampala a provoqué des reconfigurations d’alliances qui ont rendu la situation encore plus volatile. Comme mentionné précédemment, en octobre 2002, l’ALC, l’armée du MLC, et ses alliés du RCD-N ont lancé une grande opération à l’est de la province Orientale, appelée « Effacer le tableau ». Cette opération visait à détruire définitivement l’APC de façon à priver le Gouvernement de Kinshasa de son allié à l’est du Congo et à mettre la main sur les ressources naturelles encore sous contrôle du RCD-ML avant que ne débute la période de transition. L’UPC, qui cherchait elle aussi à écraser l’APC, s’est jointe à l’opération.
416. Le 12 octobre 2002, l’ALC et ses alliés du RCD-N sont entrés dans la ville de Mambasa. Le 29 octobre, cependant, ils ont dû battre en retraite avant de reprendre, le 27 novembre, la ville à l’APC. Au cours de ces attaques, les militaires de l’ALC (MLC et RCD-N) ont commis de nombreuses exactions à l’encontre des civils. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Entre le 12 et le 29 octobre 2002, des éléments de l’ALC et du RCD-N participant à l’opération « Effacer le tableau » ont tué au moins 173 civils nande et pygmées à Mambasa et dans les villages situés le long de l’axe Mambasa-Beni, notamment à Teturi, Mwemba et Byakato, dans le territoire de Mambasa. Les militaires ont également perpétré des actes de cannibalisme, mutilé un nombre indéterminé de civils, violé un grand nombre de femmes et d’enfants et commis des pillages généralisés. Les victimes ont été tuées sur la seule base de leur appartenance ethnique, les Nande et les Pygmées étant accusés de soutenir le RCD-ML759.
417. Après leur victoire sur l’APC à Mambasa, les éléments de l’ALC/RCD-N/UPC ont lancé, avec l’aide de militaires de l’UPDF, une grande opération militaire afin de prendre le contrôle de la ville minière de Mongwalu. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Le 20 novembre 2002, au cours de leur attaque contre Mongwalu, des éléments de l’ALC/RCD-N/UPC ont tué au moins une cinquantaine de lendu, dont des civils et des miliciens lendu mis hors de combat. La plupart des victimes ont été tuées à l’arme blanche ou par balle. Certaines ont été tuées alors qu’elles s’étaient cachées dans une église. Certaines ont survécu mais ont été gravement mutilées et torturées760.
418. Le 30 novembre 2002, les troupes de l’APC, du FNI et des FRPI ont repris le contrôle des villes d’Irumu et de Komanda. À la suite du scandale suscité par la publicité organisée autour des actes de cannibalisme commis par les troupes de l’opération « Effacer le tableau », la communauté internationale a fait pression sur les responsables du MLC, du RCD-ML et du RCD-N pour qu’ils signent le 30 décembre 2002 à Gbadolite un accord de cessez-le-feu761. L’UPC qui, en décembre 2002, était parvenue à prendre le contrôle du village stratégique de Mwanga et à bloquer l’accès du nord de Bunia aux miliciens du FNI basés dans la région de Kilomoto, a cependant rejeté cet accord. Face au rapprochement entre le Gouvernement de Kinshasa et l’Ouganda et au retrait de l’ALC de l’Ituri, l’UPC a conclu une alliance avec le Rwanda qui lui a fait aussitôt parvenir de l’armement et des conseillers militaires sur le terrain. En réaction à l’arrivée des militaires rwandais dans la zone, l’Ouganda a mis fin à sa collaboration avec l’UPC et apporté son soutien aux milices lendu et à l’APC. Au cours du premier semestre de 2003, les combats entre l’UPC et les éléments du FNI, des FRPI, de l’APC et de l’UPDF se sont ainsi intensifiés et généralisés à travers tout le district.
419. Le 23 janvier 2003, l’UPC a officiellement demandé aux troupes de l’UPDF d’évacuer l’Ituri. En février, la Commission de pacification de l’Ituri a commencé ses travaux mais l’UPC a rejeté la mise en place des institutions intérimaires prévues par l’accord de septembre 2002. Le durcissement des positions de l’UPC et le conflit ouvert avec l’UPDF ont provoqué plusieurs scissions internes. Les miliciens hema-sud menés par le chef Kawa Mandro ont quitté l’UPC pour créer un nouveau groupe armé, le Parti pour l’unité et la sauvegarde de l’intégrité du Congo (PUSIC), avec le soutien de l’Ouganda. Dans les territoires de Mahagi et d’Aru, Jérôme Kakwavu a, lui aussi quitté l’UPC et créé, avec l’appui des militaires ougandais désireux de disposer d’un allié dans les zones riches en ressources forestières, les Forces armées du peuple congolais (FAPC). L’incident allégué suivant a été documenté :
- Le 2 janvier 2003, des éléments du FAPC en provenance de Mahagi ont tué une dizaine de civils alur dans le village de Djalusene de la collectivité de Djukoth, dans le territoire de Mahagi. Ils ont également violé plusieurs femmes et pillé et incendié de nombreuses maisons762.
420. Entre janvier et mars 2003, l’UPC a mené plusieurs offensives militaires afin de prendre le contrôle des zones minières situées autour de Mongwalu et Kobu763. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Le 13 janvier 2003, des éléments de l’UPC en provenance de Mongwalu ont tué au moins une dizaine de civils dans la localité de Nyangaraye. Les victimes ont été tuées à coups de machette, pour la plupart dans l’église catholique où elles avaient été rassemblées. Les corps ont ensuite été brûlés dans l’incendie de l’église764.
- Entre les 18 et 20 février 2003, des éléments de l’UPC en provenance de Mwanga et Kunda, ont violé et tué un nombre indéterminé de civils lors d’attaques contre les villages de Ngongo Kobu, Lipri, Nyangaraye et Bambou. Au cours de ces attaques, les miliciens ont aussi détruit des infrastructures de la compagnie minière de Kilomoto, y compris des écoles et des hôpitaux765.
- Le 24 février 2003, des éléments du FNI et des FRPI, placés respectivement sous le commandement de Mathieu Ngudjolo et de Germain Katanga, ont tué sans discrimination entre 200 et 350 personnes, dont une majorité de civils hema, dans le village de Bogoro de la collectivité de Bahema-Sud. Ils ont également violé de nombreuses femmes et jeunes filles et réduit certaines d’entre elles en esclavage sexuel. Ils se sont en outre livrés à un pillage généralisé du village et ont détruit de nombreuses habitations. Les éléments du FNI et des FRPI comptaient parmi leurs combattants de nombreux enfants de moins de 15 ans. Ngudjolo et Katanga sont actuellement poursuivis devant la Cour pénale internationale pour les crimes commis lors de cette attaque766.
- Le 25 février 2003, des éléments de l’UPC ont pris en otage, ligoté et tué une cinquantaine de délégués lendu venus dans le village de Sangi de la collectivité des Walendu Djatsi pour négocier avec les officiers de l’UPC. Quatre jours auparavant, après avoir mené une attaque sur le village de Buli et subi des pertes importantes, des officiers de l’UPC avaient invité les notables lendu de la région à participer à des pourparlers de paix dans le village de Sangi. Les victimes, parmi lesquelles se trouvaient de nombreuses femmes, ont été tuées à coups de machettes, de couteaux et de bâtons. Certaines ont été ligotées puis tuées dans l’église du village. D’autres ont été emmenées jusqu’à Kobu puis tuées sur place. Seules deux personnes ont survécu au massacre. Les corps des victimes ont été enterrés dans plusieurs fosses communes767.
- À compter du 25 février 2003 et pendant plusieurs jours, des éléments de l’UPC ont violé et tué un nombre indéterminé de personnes dans les villages de Jitchu, Buli, Ngabuli, Pili, Athe, Bakpa, Lambi et Widde de la collectivité des Walendu Djatsi. Le 25 février, par exemple, les tirs à l’arme lourde sur le village de Buli ont fait de nombreuses victimes civiles. Les miliciens ont également arrêté des dizaines de civils, dont de nombreuses femmes et des enfants qui se cachaient dans la forêt de Jitchu, aux environs de Buli. Après les avoir ramenés et détenus dans le village de Kobu, ils les ont exécutés à l’arme blanche. Les corps retrouvés à Kobu, une quarantaine, ont ensuite été enterrés dans le village par la population locale768.
- Le 4 mars 2003, des miliciens du FNI en provenance de Zumbe et des éléments de l’APC ont tué au moins 47 civils lors d’une attaque contre le village de Mandro. La localité était un ancien centre de formation de l’UPC devenu un bastion du PUSIC depuis février 2003. Les victimes, pour la plupart des Hema–Sud, ont été tuées sans discrimination à l’arme blanche ou par balle. Les éléments des FNI ont également enlevé un nombre indéterminé de femmes qu’ils ont réduites en esclavage. Avant de quitter Mandro, les troupes du FNI ont pillé et volé systématiquement les biens des civils, ramenant notamment plusieurs milliers de têtes de bétail jusqu’à Zumbe769.
421. Le 6 mars 2003, après que l’UPC eut attaqué la base de l’UPDF à Ndele, à quelques kilomètres de Bunia, les militaires de l’UPDF et les éléments du FNI et des FRPI ont monté une opération militaire conjointe et repris le contrôle de la ville de Bunia. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Le 6 mars 2003, des éléments de l’UPC et de l’UPDF/FNI/FRPI se sont affrontés à l’arme lourde à Bunia, tuant entre 17 et 52 civils. Après le retrait des troupes de l’UPC de la ville, des éléments du FNI ont tué un nombre indéterminé de civils hema sur la base de leur appartenance ethnique. Des éléments de l’UPDF/FNI/FRPI ont également pillé et détruit de nombreux bâtiments, des habitations privées et des locaux utilisés par des ONG locales et internationales. Des militaires de l’UPDF sont parfois intervenus pour demander aux éléments des FNI/FRPI de cesser les exactions et de quitter la ville770.
422. Après la prise de Bunia, des éléments du FNI ont lancé une offensive majeure contre les bastions de l’UPC situés au nord de la ville. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Entre le 9 et le 13 mars 2003, des éléments du FNI ont tué au moins 113 civils dans les villages de la collectivité de Kilo-Banyari, dans le territoire de Djugu, et dans ceux situés dans le groupement de Sindoni-Akeso et le long de la route menant à Mongwalu, parmi lesquels Itende, Kabakaba et Kilo-Missio. Les victimes étaient d’origines ethniques diverses mais comptaient parmi elles beaucoup de Nyali. Au cours de ces attaques, les miliciens du FNI ont mutilé des civils, pillé des biens et incendié des villages. Le 10 mars, par exemple, des éléments du FNI ont ouvert le feu sur la population de Kilo, tuant sans discrimination 20 civils. Les militaires de l’UPDF présents sur les lieux ont tenté, sans grand résultat, de faire cesser les exactions du FNI à l’encontre des civils771.
- Le 3 avril 2003, des éléments du FNI ont tué et mutilé plusieurs centaines de personnes, dont une majorité de civils hema, dans le groupement de Largude de la collectivité de Bahema-Nord. Certaines victimes, dont des enfants. ont été tuées par des tirs d’arme lourde, d’autres par balle ou à l’arme blanche. Les miliciens ont aussi attaqué l’hôpital de Drodro où ils ont tué au moins 27 personnes. De nombreuses femmes ont été enlevées par les miliciens et réduites à l’esclavage sexuel. À la fin des hostilités certaines de ces femmes ont été libérées mais d’autres sont toujours portées disparues772.
- Le 13 mai 2003 à Mongwalu, des éléments du FNI ont tué deux observateurs militaires de la MONUC. Les miliciens ont mutilé les corps des victimes et ont volé leurs biens personnels ainsi que des biens de la MONUC. Les miliciens soupçonnaient les observateurs de soutenir les troupes de l’UPC qui menaçaient d’attaquer Mongwalu. Des centaines de civils d’ethnies diverses s’étaient réfugiés dans la résidence des observateurs militaires. Les deux victimes ont été arrêtées sur la route menant à l’aéroport puis exécutées en public. Le 19 février 2007, le Tribunal militaire de garnison de Bunia a condamné sept miliciens du FNI impliqués dans ces meurtres à la servitude pénale à perpétuité pour crimes de guerre773.
423. Après le départ, sous forte pression internationale des troupes de l’UPDF du district de l’Ituri, début mai 2003, les troupes de l’UPC et du FNI se sont affrontées pour prendre le contrôle des lieux stratégiques laissés vacants par les militaires ougandais. Anticipant de nouveaux massacres, des milliers d’habitants de Bunia ont préféré quitter la ville. Certains ont suivi les troupes de l’UPDF jusqu’en Ouganda. D’autres ont fui en direction de Beni, au Nord-Kivu. Le 6 mai, de graves affrontements ont éclaté à Bunia entre les éléments du FNI placés sous les ordres de Mathieu Ngudjolo et ceux de l’UPC commandés par Bosco Ntaganda. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Le 6 mai 2003, les miliciens du FNI et, dans une moindre mesure, ceux de l’UPC ont, lors de leurs affrontements pour le contrôle de Bunia, tué sans discrimination plusieurs centaines de civils, commis des viols et se sont livrés à un pillage généralisé de la ville. Ils ont aussi mutilé de nombreux civils. Les éléments du FNI ont tout particulièrement visé les quartiers habités en majorité par les Hema, comme Mudzipela et Nyagasenza. Ils ont tué des religieux, incendié de nombreuses maisons et pillé les bureaux de plusieurs ONG internationales comme Medair, Agro-Action Allemande (AAA) et COOPI [Cooperazione Internazionale]774.
424. L’UPC a rapidement mené une contre-offensive et a finalement pris le contrôle de Bunia. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Après avoir pris le contrôle de Bunia, le 12 mars 2003, les miliciens de l’UPC ont tué plusieurs centaines de civils, pour la plupart des Lendu de Ngiti et des Jajambo originaires d’autres districts, notamment des Nande775.
425. En réaction à ces massacres en chaîne et aux attaques menées contre les installations de la MONUC, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a demandé le 15 mai 2003 aux États Membres de former une coalition afin de mettre un terme à la catastrophe humanitaire et de permettre à la MONUC d’achever son déploiement à Bunia776. Le 16 mai, la Tanzanie a organisé un sommet au cours duquel le Président Kabila a rencontré les délégations de l’Administration intérimaire de l’Ituri et les chefs des principaux groupes armés. Devant la persistance des combats, le 30 mai, par sa résolution 1484 (2003), le Conseil de sécurité a autorisé le déploiement à Bunia d’une force multinationale intérimaire d’urgence sous commandement européen.
426. Le 31 mai 2003, le FNI et les Lendu de Datule ont lancé une offensive majeure contre le village de Tchomia alors sous contrôle des troupes du PUSIC. Cette attaque visait notamment à venger l’attaque perpétrée par le PUSIC sur Datule le 26 janvier 2002. En quelques heures à peine, les éléments du FNI ont chassé les troupes du PUSIC et détruit leurs camps militaires. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Le 31 mai 2003, des éléments du FNI, souvent accompagnés des membres de leurs familles, dont des femmes et des enfants, ont tué près de 300 personnes dans le village de Tchomia de la collectivité de Bahema-Sud. Les victimes, des Hema-Sud, ont été massacrées systématiquement en raison de leur appartenance ethnique. Les miliciens ont attaqué les civils maison par maison. Ils ont aussi tué 40 personnes à l’hôpital de Tchomia. Pendant les tueries, les éléments du FNI avaient bloqué tous les accès à Tchomia afin d’empêcher quiconque de s’échapper du village. Les miliciens et leurs familles se sont aussi livrés à un pillage généralisé de la localité. Avant de partir, ils ont incendié des écoles, des églises et l’hôpital. Ils ont aussi enlevé 10 femmes qu’ils ont utilisées pour porter les biens pillés et comme esclaves sexuelles777.
427. À compter du 6 juin 2003, la force multinationale intérimaire d’urgence a entamé son déploiement à Bunia. Au bout de quelques semaines, elle est parvenue à restaurer l’ordre dans la ville et à mettre un terme aux massacres ethniques. À l’extérieur de Bunia, cependant, les actes de violence se sont poursuivis. Des éléments du FNI, des FRPI et des FAPC ont lancé une série d’attaques contre les positions de l’UPC et du PUSIC dans les territoires de Djugu et d’Irumu. Ces violents affrontements ont donné lieu à de nombreux massacres de civils, pour la plupart d’ethnie hema. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Les 7 et 20 juin 2003, des éléments du FNI ont tué un nombre indéterminé de civils hema, estimé à 137 selon certaines sources, dans le village de Katoto de la collectivité de Bahema–Nord, dans le territoire de Djugu. Les victimes ont été tuées à l’arme blanche ou par balle. Les corps ont été enterrés dans une trentaine de fosses communes. Les miliciens ont aussi mutilé plusieurs personnes, pillé le village et incendié des maisons. Katoto a été choisi comme cible en raison de la présence dans le village de positions de l’UPC et du PUSIC778.
- En juin 2003, des éléments des FAPC et du FNI ont tué 33 civils dans la ville minière de Nizi de la collectivité de Mambisa, dans le territoire de Djugu. L’attaque visait à détruire le camp de l’UPC et à chasser les Hema qui contrôlaient la compagnie minière de Kilomoto779.
- Le 11 juin 2003, des éléments du FNI, des FRPI et de l’APC ont tué un nombre indéterminé de civils, estimés à plus de 160 selon certaines sources, dans les groupements de Bagungu et Beiziha, près de Kasenyi, dans le territoire d’Irumu. Les victimes, pour la plupart des déplacés de guerre hema, ont été tuées par balle ou à l’arme blanche. Une trentaine de victimes ont été tuées alors qu’elles tentaient de s’enfuir par bateau à travers le lac Albert. Les miliciens ont également enlevé plus de 20 personnes, parmi lesquelles des femmes, et ont exécuté celles qui n’avaient pas la force de porter les biens pillés. Ils ont aussi incendié plus de 200 habitations780.
- Le 10 juin 2003, des miliciens du FNI en provenance de Djugu ont abattu une quarantaine de civils, pour la plupart des Alur, dans la localité de Nioka du territoire de Mahagi. La localité était occupée jusqu’alors par des miliciens de l’UPC. La plupart des victimes, parmi lesquelles se trouvaient plusieurs enfants, ont été tuées par balle ou à l’arme blanche. Les éléments du FNI avaient reproché aux habitants de Nioka d’avoir accueilli chez eux des déplacés de guerre hema781.
428. Après le retrait des militaires de l’UPDF de la région minière de Mongwalu, en mars 2003, les troupes du FNI ont pris le contrôle de la zone. Le 10 juin, les troupes de l’UPC ont repris la ville de Mongwalu mais, au bout de 48 heures, les troupes du FNI ont lancé une contre-attaque, avec l’appui des éléments de l’UPDF. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Le 11 juin 2003, des miliciens du FNI ont tué plusieurs centaines de personnes, dont de nombreux civils, à Mongwalu. Ils ont également violé des dizaines de femmes et commis des actes de pillage systématique dans la ville et ses environs. À la suite de cette attaque, des centaines de corps ont été retrouvés sur les lieux et brûlés sur les ordres des miliciens du FNI782.
429. Au cours de la période considérée, tous les groupes armés de l’Ituri (UPC, FNI, FRPI, FAPC et PUSIC) ont procédé au recrutement de milliers d’enfants sur une base communautaire. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Entre 2001 et 2003, des milliers d’enfants hema recrutés par l’UPC ont suivi une formation militaire dans les camps de Mandro, Katoto et Bule. Au cours de cette formation, ils ont souvent été torturés, victimes d’actes cruels, inhumains et dégradants ainsi que de viols. En 2000, 163 au moins de ces enfants ont été envoyés en Ouganda suivre une formation militaire dans le camp de l’UPDF à Kyankwanzi avant d’être finalement rapatriés en Ituri par l’UNICEF en février 2001. Entre 2002 et 2003, certains enfants associés à l’UPC ont été enlevés et conduits au Rwanda pour y suivre une formation militaire au sein des camps de l’APR. Un nombre indéterminé d’enfants lendu ont été emmenés dans des camps d’entraînement militaire au Nord-Kivu. Les autres communautés ont été affectées par ce phénomène, notamment les Alur, essentiellement dans le territoire de Mahagi783.
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