Section II > CHAPITRE II. Actes de violence commis contre les enfants > B. Cas particulier des enfants associés aux forces et groupes armés >3. Actes de violence commis contre les EAFGA
Comme mentionné précédemment, en RDC de nombreuses batailles ont été remportées sur la simple base de la supériorité du nombre. Les groupes armés ont ainsi souvent recruté des enfants pour qu’ils servent de chair à canon1287. Certains ont été envoyés au combat sans même être armés. Leurs commandants leur ordonnaient de créer une diversion en faisant beaucoup de bruit, à l’aide de bâtons et de troncs d’arbre, pour qu’ils servent de boucliers humains pour protéger les soldats adultes face aux troupes ennemies1288. Lorsqu’ils ne sont pas morts au combat, les EAFGA ont fréquemment été contraints de commettre des crimes pendant ou après l’attaque. Pour les forcer à surmonter leurs émotions et leurs réticences à tuer, leurs supérieurs les ont brutalisés en les forçant à commettre des crimes particulièrement atroces. En cas de refus ils étaient exécutés. Après la prise d’une localité, il est arrivé que des filles soient amenées aux enfants soldats pour qu’ils les violent en présence des villageois et des soldats adultes1289. Cette stratégie « d’endurcissement » a aussi été utilisée dans les camps d’entraînement où les enfants ont été contraints de tuer et commettre des exactions en public.
Mais l’entraînement militaire, et l’endoctrinement qui le caractérise, en soi est aussi dominé par les souffrances et les violations à l’égard des enfants. Les EAFGA furent maltraités, torturés et exécutés en cas de résistance ou de non performance. De plus, les enfants, particulièrement vulnérables, souffrent plus facilement de maladies et de malnutrition. En 1996 par exemple, dans le camp de Matebe de l’AFDL/APR dans les environs de Rutshuru-centre, les EAFGA ont subi des tortures et autres traitements inhumains et n’ont reçu que très peu de nourriture. Ils ont été envoyés sur le front sans véritable formation militaire1290. Après l’entrée de l’AFDL/APR à Kisangani le 15 mars 1997, environ un millier de Kadogo et de Mayi-Mayi ont été cantonnés dans le camp d’entraînement de Kapalata où une épidémie de diarrhée a fait environ 400 morts parmi les Kadogo et Mayi-Mayi. Les 200 à 300 survivants, transférés en 1998 suite à la pression de la communauté internationale, dans un orphelinat de Kisangani, ont été enlevés en juin 1998 par des militaires congolais et n’ont ensuite jamais été revus1291.
Au cours de la première guerre, les EAFGA recrutés généralement de force par les Mayi-Mayi ont été soumis à des cérémonies d’initiation occulte et étaient tatoués de façon à pérenniser leur lien avec le groupe. Leurs conditions de vie étaient généralement déplorables et ils étaient soumis à un régime de terreur1292. En 2000, au Nord-Kivu, l’ADF-NALU aurait forcé les enfants enlevés à porter les biens pillés sur une longue distance. Au cours des marches forcées, qui pouvaient durer plusieurs semaines, de nombreux enfants sont morts d’épuisement ou ont été exécutés. Les survivants ont souffert de malnutrition et de traitements inhumains et beaucoup d’entre eux sont morts en détention1293.
Les groupes armés ont aussi commis des violations graves du droit international humanitaire sur les EAFGA des camps adverses, comme par exemple après les batailles à proximité d’Isiro en province Orientale entre le 31 juillet et le 2 août 2002 où les éléments de l’ALC ont commis des actes de mutilation et de torture sur des EAFGA de l’APC1294.
Même lorsqu’il n’y a pas eu de combats, le taux de mortalité est resté élevé chez les garçons et les filles EAFGA, car ils étaient poussés à la limite de leur endurance physique et émotionnelle.
Violences sexuelles commises envers les EAFGA 1295
Presque toutes les filles EAFGA ont été violées, souvent collectivement, ou exploitées sexuellement par les chefs et les soldats de tous les groupes armés cités précédemment. Certains garçons ont également raconté des expériences similaires.
Les milices de l’Ituri auraient ainsi commis des actes de violence sexuelle à l’égard des filles associées à leur groupe, enlevées ou enrôlées1296. Les quelques témoignages rapportés depuis le début des audiences du procès Lubanga sont représentatifs des violences sexuelles commises sur les filles- EAFGA. La réduction en esclavage des filles EAFGA au profit d’un commandant était une pratique généralisée. Dans les camps de l’UPC, les commandants obligeaient les jeunes filles enceintes à avorter.1297
Les différents groupes Mayi-Mayi auraient également enlevé et utilisé des fillettes, dont certaines n’avaient parfois pas plus de huit ans, comme esclaves sexuelles. Le jour, les petites filles étaient obligées d’aider les Mayi-Mayi à transporter les biens pillés, à faire la cuisine et le ménage. La nuit, elles étaient forcées d’avoir des relations sexuelles avec plusieurs Mayi-Mayi1298. Au Nord-Kivu, l’ADF/NALU aurait utilisé les femmes et les filles comme main-d’œuvre et esclaves sexuelles. La plupart des victimes ont souffert de malnutrition et de traitements inhumains. Beaucoup sont mortes en détention1299.
Le sentiment de perte et les traumatismes causés par les violences qu’ils ont subies, par les crimes auxquels ils ont été exposés ou qu’ils ont été contraints de commettre ont eu un impact dévastateur sur l’intégrité mentale et physique de ces enfants.