Section I > CHAPITRE I. Mars 1993 – Juin 1996: Échec du Processus de Démocratisation et Crise Régionale
130. Au début des années 1990, sur pression de la population et des bailleurs de fonds, le Président Mobutu a été contraint de rétablir le multipartisme et de convoquer une conférence nationale. Au fil des mois cependant, il a réussi à déstabiliser ses opposants et à se maintenir au pouvoir en usant de la violence, de la corruption et en manipulant les antagonismes tribaux et régionaux. Les conséquences de cette stratégie ont été particulièrement lourdes pour le Zaïre: destruction des principales infrastructures, effondrement économique, déportation forcée de populations civiles au Katanga, violences ethniques au Nord-Kivu, exacerbation du tribalisme et banalisation à travers tout le pays des violations des droits de l’homme.
131. En 1994, après des mois de paralysie institutionnelle, partisans et adversaires du Président Mobutu ont fini par s’entendre sur la désignation par consensus d’un Premier ministre et la mise en place d’un parlement de transition. Cet accord n’a pas suffi cependant à régler la crise politique, à enrayer la criminalisation des forces de sécurité ni à engager le pays sur la voie des élections. À partir de juillet 1994, l’arrivée de 1,2 millions de réfugiés hutu rwandais au lendemain du génocide des Tutsi du Rwanda a déstabilisé encore plus la province du Nord-Kivu et fragilisé celle du Sud-Kivu. Du fait de la présence parmi les réfugiés de membres des anciennes Forces armées rwandaises (appelée par la suite ex-FAR), ainsi que des milices responsables du génocide (les Interahamwe), et compte tenu de l’alliance existant depuis des années entre l’ancien régime rwandais et le Président Mobutu, cette crise humanitaire a rapidement dégénéré en une crise diplomatique et sécuritaire entre le Zaïre et les nouvelles autorités rwandaises.
132. Face à l’utilisation par les ex-FAR et les Interahamwe des camps de réfugiés comme arrière-bases pour mener des incursions au Rwanda, les nouvelles autorités rwandaises ont opté à partir de 1995 pour une solution militaire à la crise. Avec l’aide de l’Ouganda et des Tutsi du Nord-Kivu et du Sud-Kivu exclus du bénéfice de la nationalité zaïroise par le parlement de transition à Kinshasa, elles ont organisé une rébellion chargée de neutraliser les ex-FAR et les Interahamwe et de provoquer un changement de régime à Kinshasa.
133. Au cours de cette période, les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire se sont concentrées pour l’essentiel dans le Katanga, le Nord-Kivu et dans la ville province de Kinshasa.