Section I > Chapitre III. Deuxième Guerre > B. Attaques contre les autres populations civiles > 1. Bas-Congo
329. Le 4 août 1998, des centaines de militaires rwandais et un petit nombre de militaires ougandais placés sous les ordres de James Kabarebe sont arrivés par avion sur la base militaire de Kitona, à Moanda, en provenance de Goma. Des militaires des ex-FAZ cantonnés sur la base de Kitona depuis plusieurs mois se sont ralliés à eux. Au cours des jours qui ont suivi, la coalition militaire rwando-ougando-congolaise a reçu le renfort de plusieurs milliers d’hommes et entamé sa conquête du Bas-Congo en passant par l’axe Moanda-Boma-Matadi. Les éléments des FAC, qui comptaient sur place de nombreux enfants associés aux forces et groupes armés (EAFGA) [ces enfants étaient appelés « Kadogo » en swahili], ont tenté de résister, notamment à Boma et Mbanza Ngungu, mais ils ont rapidement été dépassés et beaucoup sont morts au cours des combats.
330. Tout au long de leur progression vers Kinshasa, les troupes de la coalition rwando-ougando-congolaise, désignés dans la suite du texte sous le sigle ANC/APR/UPDF ont tué de nombreux civils et commis un grand nombre de viols et d’actes de pillage. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Le 7 août 1998, les combats entre les éléments de l’ANC/APR/UPDF et ceux des FAC pour le contrôle de Boma ont causé la mort d’un nombre indéterminé de civils, le plus souvent victimes de balles perdues. Les forces de la coalition ont tué au moins 22 civils près de la Banque centrale et des jardins municipaux. Au nombre des victimes figuraient des jardiniers, des travailleurs de l’abattoir, deux handicapés mentaux et des personnes qui attendaient un véhicule pour se rendre à Moanda504.
- Entre le 7 et le 10 août 1998, à Boma, des éléments de l’ANC/APR/UPDF ont séquestré et violé, souvent collectivement, plusieurs femmes dans l’hôtel Premier Bassin qu’ils avaient réquisitionné. Ils ont également causé des dégâts matériels importants dans l’hôtel505.
- Du 4 août au 4 septembre 1998, des militaires de l’ANC/APR/UPDF ont pillé systématiquement les réserves des banques à Moanda, Matadi et Mbanza Ngungu506.
- Le 13 août 1998, des militaires de l’ANC/APR/UPDF ont arrêté les turbines du barrage d’Inga, privant Kinshasa et une bonne partie de la province du Bas-Congo de leur principale source d’électricité pendant près de trois semaines. En mettant hors d’usage des biens indispensables à la survie de la population civile, ils ont entraîné la mort d’un nombre indéterminé de civils, notamment des enfants et des malades dans les hôpitaux507.
331. Le 17 août 1998, cependant, lors du sommet de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie ont annoncé l’envoi de militaires en RDC pour appuyer l’armée restée fidèle au Président Kabila. Au cours des jours qui ont suivi, des éléments des ZDF se sont déployés à Kinshasa tandis que les FAA lançaient une offensive terrestre et aérienne dans le Bas-Congo. Le 23 août, les FAA ont repris aux militaires de l’ANC/APR/UPDF le contrôle de la base de Kitona.
332. Au cours de leur progression le long de l’axe Moanda-Boma-Matadi-Kisantu, les FAA ont tué des civils, commis des viols et pillé des hôpitaux et des maisons d’habitation. Lorsqu’elles entraient dans une localité, les FAA procédaient systématiquement à une opération de ratissage et exécutaient tous ceux qu’elles soupçonnaient de collusion avec leurs ennemis. Les FAA profitaient de ces opérations pour violer des femmes et piller des maisons. Les biens pillés étaient ensuite envoyés en Angola par voie fluviale, par route, voire même par hélicoptère. Les FAA tuaient les civils, dont des femmes et des enfants, qui tentaient de s’opposer à ces exactions. L’ampleur des pillages a donné aux victimes comme aux témoins le sentiment qu’il s’agissait d’une opération planifiée. Il est manifeste que la hiérarchie militaire angolaise et les autorités de Kinshasa ont du moins toléré la commission de ces différentes violations. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Le 23 août 1998, à leur arrivée à Moanda, des éléments des FAA ont violé au moins 30 femmes et jeunes filles, la plupart dans le quartier Bwamanu. Dans certains cas, les militaires ont obligé les membres de la famille des victimes à applaudir pendant les viols, sous peine d’être exécutés508.
- À compter du 26 août 1998, des éléments des FAA ont exécuté sommairement, en plein centre de Boma, un nombre indéterminé de civils. Ils ont aussi violé un nombre indéterminé de femmes et de jeunes filles. Ils ont pillé les biens des civils, notamment dans les quartiers périphériques de la ville509.
- À compter du 27 août 1998, des éléments des FAA ont violé six commerçantes et au moins trois jeunes filles dans le village de Manterne, à 19 kilomètres de Boma, sur la route de Matadi510.
- Aux alentours du 27 août 1998, dans le village de Kinzau Mvwete, à mi-chemin entre Boma et Matadi, des éléments des FAA ont tué 45 civils, dont des femmes et des enfants511.
- À compter du 4 septembre, des éléments des FAA ont violé un nombre indéterminé de femmes et de jeunes filles, en particulier lors d’opérations de ratissage dans les quartiers de Mvuadu et Kinkanda de la ville de Matadi. Les militaires ont également pillé des dizaines de résidences privées512.
- Aux alentours du 6 septembre, à Kimpese, des éléments des FAA ont commis des viols et des actes de pillage sur une grande échelle513.
333. Mi-septembre 1998, les FAA, les ZDF et les FAC ont repris le contrôle de la province du Bas-Congo. Les militaires de l’ANC/APR/UPDF se sont repliés en Angola, dans une zone sous contrôle de l’UNITA, avant de partir pour le Rwanda entre novembre et décembre. Au cours de cette période, la situation humanitaire est restée très préoccupante en raison de l’ampleur des pillages commis notamment dans les hôpitaux, de la destruction des principales infrastructures et des restrictions imposées à la liberté de circulation du personnel humanitaire dans la province par le Gouvernement de Kinshasa.
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