Section I > Chapitre III. Deuxième Guerre > B. Attaques contre les autres populations civiles > 4. Sud-Kivu
351. À Bukavu, au cours des premières heures suivant le déclenchement de la deuxième guerre, les militaires tutsi qui s’étaient mutinés avec l’aide de l’APR ont été confrontés à une forte résistance de la part des militaires des FAC restés fidèles au Gouvernement de Kinshasa. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Le 3 août 1998, des militaires banyamulenge entrés en rébellion et des éléments de l’APR ont exécuté au moins 38 officiers et une centaine de soldats des FAC mis hors d’état de combattre à l’aéroport de Kavumu, au nord de Bukavu. Après le déclenchement de la mutinerie, ces militaires avaient tenté de résister mais, placés en situation d’infériorité numérique après l’arrivée des renforts de l’APR, ils avaient dû se rendre. Dans un premier temps, les victimes ont été désarmées et contraintes de s’allonger sur la piste de l’aéroport. Les militaires banyamulenge et ceux de l’APR ont ensuite forcé des Kadogo présents au sein du groupe à tirer sur les officiers et les soldats539.
- En août 1998, des éléments de l’ANC/APR ont tué ou violé un nombre indéterminé de civils lors de deux opérations de recherche de caches d’armes (baptisées Musako) menées dans la ville de Bukavu. La plupart des violations ont été commises dans les communes de Kadutu et Ibanda540.
352. Malgré leur conquête rapide de la plupart des villes du Sud-Kivu, les militaires de l’ANC/APR/FAB ne sont pas parvenus à contrôler les campagnes. Le parti-pris du RCD en faveur de la communauté tutsi et banyamulenge, sa dépendance politique et militaire vis-à-vis du Rwanda et les violences commises par ses militaires à l’encontre des civils, des chefs coutumiers et des membres du clergé catholique ont, en effet, privé le mouvement du soutien de la majorité des habitants de la province. Dans les mois suivant le déclenchement de la deuxième guerre, de nombreux jeunes hommes se sont engagés dans les groupes armés Mayi-Mayi existants ou ont participé à la création de nouveaux groupes, comme le Mudundu 40, dans le territoire de Walungu. Nombre de ces groupes ont noué des alliances avec les ex-FAR/Interahamwe et les groupes armés hutu réorganisés au sein de l’ALiR ainsi que le groupe armé hutu burundais des CNDD-FDD.
353. À l’exception de la Division spéciale Mayi-Mayi du général Padiri dans le groupement de Bunyakiri et le territoire de Shabunda et, dans une moindre mesure, des Forces d’autodéfense populaires (FAP) du colonel Dunia qui ont reçu du Gouvernement de Kinshasa des armes et de l’argent pour coordonner leurs opérations, la plupart des groupes Mayi-Mayi du Sud-Kivu ont fonctionné de manière très décentralisée. Confrontés aux attaques des groupes Mayi-Mayi, des FDD et de l’ALiR, les militaires de l’ANC/APR/FAB ont réagi en multipliant les opérations de ratissage, les viols et en attaquant systématiquement les populations civiles soupçonnées de collaborer avec leurs ennemis. De leur coté, les groupes Mayi-Mayi, les éléments du CNDD-FDD et ceux de l’ALiR ont eux aussi attaqué et violé les civils qu’ils avaient accusés de soutenir le RCD. Ils ont aussi volé leurs biens et ont commis de nombreux pillages541. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Entre 1998 et 2002, les services de sécurité du RCD-Goma542 à Bukavu et Uvira ont arrêté arbitrairement et torturé plusieurs chefs coutumiers ainsi que des responsables administratifs, des opposants politiques et des membres de la société civile. Les victimes ont généralement été arrêtées pour le simple fait d’avoir osé critiquer la politique menée par le RCD-Goma ou d’avoir demandé le départ des troupes de l’APR du territoire congolais. Accusées systématiquement de soutenir les groupes Mayi-Mayi et l’ALiR, les victimes ont été détenues pendant des mois dans des conditions cruelles, inhumaines ou dégradantes. Certaines ont été transférées dans des cachots à Goma, à Kisangani ou au Rwanda où elles ont parfois disparu sans laisser de traces543.
- Le 6 août 1998, des éléments de l’ANC/APR/FAB ont tué des dizaines de civils à Uvira. Certaines des victimes ont été tuées pendant les affrontements avec les FAC alors qu’elles tentaient de se mettre à l’abri ou de fuir la zone des combats. D’autres ont été exécutées après la fin des combats au cours d’opérations de ratissage. Lors de ces opérations, les militaires ont aussi violé des femmes544.
- Le 6 août 1998 également, des éléments de l’ANC ont tué 13 personnes, dont le chef de localité de Kiringye, dans le village de Lwiburule, à 53 kilomètres au nord-ouest d’Uvira. Le chef a été tué pour n’avoir pas dénoncé aux autorités du RCD la présence de Mayi-Mayi dans le village. Les autres victimes ont été tuées alors qu’elles se trouvaient dans la maison du chef545.
- Le 6 août 1998, en outre, des éléments de l’ANC/APR ont tué 15 personnes dans les environs des villages de Kivovo, Kigongo et Kalungwe, à 11 kilomètres au sud d’Uvira. Les victimes étaient accusées d’avoir hébergé des Mayi-Mayi. Elles ont été tuées à coups de poignard ou par balle dans les environs du grand port de Kalundu et dans les installations de SEP Congo. Des jeunes réquisitionnés par lesmilitaires et des membres de la Croix-Rouge locale ont ensuite enterré les corps des victimes dans des fosses communes.546
- Le 24 août 1998, des militaires de l’ANC/APR ont massacré plus d’un millier de civils, dont de nombreuses femmes ainsi que des enfants et des bébés dans les villages de Kilungutwe, Kalama et Kasika, dans le territoire de Mwenga, à 108 kilomètres de Bukavu. Avant d’être tuées, la plupart des femmes ont été violées, torturées et ont subi la mutilation de leurs organes génitaux. Ce massacre a été organisé en représailles à la suite de la mort, le 23 août, d’une vingtaine d’officiers de l’ANC/APR dans une embuscade tendue par des Mayi-Mayi sur la route reliant Bukavu à Kindu. De nombreux corps d’enfants et de bébés ont été jetés dans les latrines. Avant de partir, les militaires ont pillé les trois villages et incendié de nombreuses habitations547.
- Le 2 septembre 1998, des éléments de l’ANC ont tué 13 civils, dont des enfants et des vieillards, dans le village de Kitutu, dans le territoire de Mwenga, à 225 kilomètres au sud-ouest de Bukavu. Les militaires ont également incendié plus d’une centaine de maisons entre le village de Kakubu et celui de Kilima548.
- Aux alentours du 29 septembre 1998, des Mayi-Mayi venant de Bunyakiri ont tué sept civils tutsi d’origine rwandaise, dont cinq femmes, dans le village de Nzovu de la chefferie de Bakisi, à 192 kilomètres au sud du centre ville de Shabunda549.
- En octobre et novembre 1998, des éléments de l’ANC/FAB ont tué 22 civils dans les villages voisins de Swima et Lusambo, dans le territoire de Fizi, à 38 kilomètres au sud d’Uvira. Les victimes se trouvaient au marché, au bord du lac Tanganyika, lorsque les militaires ont ouvert le feu sans discrimination. Ces militaires avaient accusé les habitants de Swima d’être des Mayi -Mayi et de collaborer avec les éléments du CNDD- FDD. Le massacre a eu lieu après qu’un membre des FDD eut blessé un militaire de l’ANC/FAB dans les environs550.
- Dans la nuit du 21 au 22 octobre 1998, des éléments de l’ANC/APR ont tué au moins 10 civils dans le village de Bushaku, dans le territoire de Kalehe, à 50 kilomètres au nord de Bukavu. La plupart des victimes sont mortes brûlées vives dans une maison où les militaires les avaient enfermées. Les militaires ont aussi pillé et incendié de nombreuses habitations. Le 21 octobre, des Mayi-Mayi avaient tué des militaires de l’ANC/APR. Ces derniers ont accusé les habitants de Bushaku de soutenir les Mayi-Mayi551.
- Le 8 novembre 1998, des éléments de l’ANC/APR ont tué une dizaine de personnes dans les environs du centre ville de Bunyakiri (village de Maibano et centre commercial de Bulambika), dans le territoire de Kalehe, à 80 kilomètres au nord de Bukavu552.
- Entre le 3 et le 4 décembre 1998, des éléments de l’ANC/APR ont tué plusieurs dizaines de personnes dans le territoire de Kalehe, dans les villages de Bogamanda et Buhama et dans le village de Lemera, sur le chemin qui mène vers le marché de Chipaho. La plupart des victimes étaient des commerçants qui se rendaient au marché. Accusées de collaborer avec les Mayi-Mayi, les victimes ont été tuées à l’arme blanche553.
- Le 21 décembre 1998, des éléments de l’ANC/APR/FAB ont tué neuf civils dans le village de Mboko, dans le secteur de Tanganyika du territoire de Fizi, à 52 kilomètres au sud d’Uvira. Le massacre a eu lieu le 21 décembre au matin après que les militaires eurent chassé les Mayi-Mayi du village. Les militaires ont fouillé les maisons, fait sortir les civils qui s’y trouvaient et les ont tués, certains par balle et d’autres à l’arme blanche au motif qu’ils collaboraient avec les Mayi-Mayi554.
- Entre le 28 décembre 1998 et le 5 janvier 1999, les affrontements entre des éléments de l’ANC/APR et des éléments des FAC/ALiR/Mayi-Mayi ont fait un nombre indéterminé de morts parmi la population civile dans les villages de Mubumbano, Mudirhi et Ntondo/Mubumbano, dans le territoire de Walungu, à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Bukavu. Les victimes étaient accusées de soutenir les groupes Mayi-Mayi locaux, parmi lesquels celui de Mudundu 40, très actif dans ledit territoire555.
- Du 30 décembre 1998 au 2 janvier 1999, des éléments de l’ANC/APR/FAB ont tué plus de 800 personnes dans les villages de Makobola II, Bangwe, Katuta, Mikunga et Kashekezi, dans le territoire de Fizi, à 24 kilomètres au sud d’Uvira. Les militaires ont également commis de nombreux pillages et destructions. Un grand nombre de femmes et d’enfants, de volontaires de la Croix-Rouge et de responsables religieux figuraient au nombre des victimes. Les militaires avaient accusé la population civile de collaborer avec les Mayi-Mayi qui avaient tué le 29 décembre 1998 à Makobola des commandants de l’APR et de l’ANC. Alors que les Mayi-Mayi, qui contrôlaient jusque là Makobola II, s’étaient repliés dans les montagnes environnantes, les militaires ont tiré sans discrimination sur les civils du village. Certaines des victimes sont mortes brûlées vives dans des maisons incendiées par les militaires556.
- Le 12 janvier 1999, des éléments de l’ANC/APR ont tué plusieurs civils sur la route entre Burhale, à 55 kilomètres au nord-ouest de Bukavu, et Mushinga-Lubona, à 62 kilomètres au nord-ouest de Bukavu, dans le territoire de Walungu. Les victimes étaient accusées de soutenir le mouvement Mayi-Mayi local, Mudundu 40, qui avait installé son quartier général à Mushinga-Lubona557.
- Le 19 février 1999, des éléments de l’ANC/APR basés à Kavumu ont tué au moins six civils et brûlé des habitations dans le village de Bitale, à 62 kilomètres au nord-ouest de Bukavu, dans le territoire de Kalehe. Les militaires ont aussi violé des femmes et des jeunes filles. Ils avaient accusé la population locale de soutenir les Mayi-Mayi opérant dans la région558.
- Le 5 mars 1999, des éléments de l’ANC ont tué plus de 100 personnes dans la ville de Kamituga, à 180 kilomètres de Bukavu, dans le territoire de Mwenga. Les victimes ont été conduites jusqu’au quartier général de l’ANC/APR sur la colline de Mero et ont été tuées à l’arme blanche. Leurs corps ont ensuite été jetés dans trois fosses communes situées sur le site de l’Université de Kamituga559.
- En mars 1999, des éléments des FAB ont brûlé vifs six pêcheurs dans le village de Kazimia, à 171 kilomètres au sud d’Uvira, dans la collectivité de Nganja du territoire de Fizi. Les victimes venaient d’arriver au port lorsqu’elles ont été arrêtées et interrogées dans une maison puis brûlées vives. Peu de temps avant la tuerie, des militaires de l’ANC/FAB et des éléments des groupes Mayi-Mayi/CNDD-FDD s’étaient affrontés pour le contrôle du village560.
- En mai 1999, des éléments de l’ANC ont brûlé vives 28 personnes, dont des familles entières avec leurs enfants, dans le village de Mwandiga, à la périphérie de Baraka, dans le territoire de Fizi. Les victimes, qui fuyaient en direction d’Ubwari, s’étaient arrêtées dans le village dans l’espoir de trouver une pirogue et de pouvoir embarquer à son bord. Quand les militaires sont arrivés à Mwandiga, ils ont ordonné aux civils encore présents sur les lieux de se rassembler en vue de participer à une réunion. Deux civils sont restés cachés mais 28 ont répondu à l’appel. Le massacre a eu lieu peu de temps après que les militaires de l’ANC eurent repris le contrôle de la ville de Baraka aux Mayi-Mayi561.
- Le 13 mars 1999, des éléments de l’ANC/APR ont tué une douzaine de civils dans les groupements de Mulambi et Karhendezi de la chefferie de Burhinyi, à environ 80 kilomètres au sud-ouest de Bukavu, dans le territoire de Mwenga. Le massacre a eu lieu en représailles aux pertes subies par l’ANC/APR lors d’affrontements avec des Mayi-Mayi dans la localité de Cirhongo, à une soixantaine de kilomètre au sud-ouest de Bukavu, dans le territoire de Walungu. Les victimes étaient accusées de collaborer avec les Mayi-Mayi du Mudundu 40 basés dans la chefferie de Ngweshe562.
- Le 17 mars 1999, des éléments de l’ANC/APR ont tué 72 civils dans le village de Budaha de la chefferie de Burhinyi, dans le territoire de Mwenga. La plupart des victimes ont été tuées par balle ou à l’arme blanche. Les militaires ont perpétré ce massacre en représailles aux pertes subies lors de combats avec les Mayi-Mayi du Mudundu 40563.
- Le 1er juin 1999, des Mayi-Mayi en provenance du territoire de Pangi, dans la province du Maniema, ont tué plus d’une cinquantaine de civils dans le village de Nyalukungu, à 108 kilomètres au sud du centre ville de Shabunda, dans la chefferie de Wakabango. Les victimes étaient accusées de collaborer avec le RCD-Goma. Elles ont été enterrées à Nyalukungu dans quatre fosses communes dont la plus grande se trouve à proximité du centre sanitaire de Nyalukungu564.
- Le 15 août 1999, des Mayi-Mayi ont tué 20 civils dans le village de Hombo, à 120 kilomètres au nord-ouest de Bukavu, dans le territoire de Kalehe. Les victimes se trouvaient à bord d’un véhicule en route pour Bukavu. Comme tous les véhicules quittant Hombo à l’époque, ils étaient accompagnés d’une escorte militaire de l’ANC/APR. Les Mayi-Mayi ont ouvert le feu sur le véhicule, tuant sans discrimination civils et militaires565.
- Le 20 septembre 1999, des éléments de l’ANC/APR ont tué 25 civils, dont des femmes et des enfants, dans le village de Kionvu, à 125 kilomètres au sud-ouest de Bukavu, dans le territoire de Mwenga. À leur arrivée, les militaires ont rassemblé les civils en leur faisant croire qu’ils allaient leur distribuer des vivres puis ils les ont tués, pour la plupart à l’arme blanche. Les victimes étaient accusées d’être des Mayi-Mayi. Les militaires ont commis ce massacre en représailles aux pertes subies lors de combats avec les Mayi-Mayi dans le village voisin de Kalambi566.
- Le 23 octobre 1999, des éléments de l’ANC/APR ont tué 50 civils, dont de nombreuses femmes, dans le village de Kahungwe, à 40 kilomètres au nord d’Uvira. Les militaires ont ouvert le feu sans sommation sur les civils présents au marché. Peu avant la tuerie, des affrontements avaient eu lieu entre les militaires et les Mayi-Mayi aux environs de Sange567.
- Le 24 octobre 1999, des Mayi-Mayi du Mudundu 40 ont tué une femme et une fille et pillé plusieurs habitations du village de Kibirira, dans les environs du centre ville de Walungu, à 47 kilomètres au sud-ouest de Bukavu. L’une des victimes était la mère d’un commerçant basé à Bukavu accusé de collaborer avec le RCD-Goma et l’autre son employée. Les militaires de l’ANC/APR avaient quitté Kibirira à l’annonce de l’arrivée des Mayi-Mayi568.
- En novembre 1999, des éléments de l’ANC/APR ont enterré vivantes 15 femmes originaires des villages de Bulinzi, Ilinda, Mungombe et Ngando, dans les environs du centre ville de Mwenga, à 135 kilomètres au sud-ouest de Bukavu. Avant d’être enterrées vivantes au centre ville de Mwenga, les victimes ont été torturées, violées, pour certaines avec des bâtons, et soumises à d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants consistant notamment à introduire du piment dans leurs organes génitaux. Les militaires avaient accusé les victimes de collaborer avec les Mayi-Mayi569.
- Le 22 novembre 1999, des éléments de l’ANC/APR ont tué 21 civils dans le village de Chibinda, dans les environs du centre ville de Kalonge, à 63 kilomètres au nord-ouest de Bukavu. Les victimes assistaient au culte dans l’église CELPA [Communauté des églises libres de pentecôte en Afrique] lorsque les militaires ont fait irruption dans le bâtiment et ont accusé les fidèles d’être des Mayi-Mayi. De nombreux fidèles ont pu s’échapper mais une vingtaine d’entre eux ont été arrêtés et tués par balle. Les corps des victimes ont ensuite été enterrés par les villageois non loin de l’église. Avant de partir, les militaires ont pillé le village et incendié plusieurs maisons570.
- Le 14 mai 2000, des éléments de l’ANC ont tué plusieurs dizaines de civils dans le village de Katogota, entre Bukavu et Uvira, dans le territoire d’Uvira. Les militaires sont arrivés à Katogota en camion et ont commencé à tuer les villageois maison par maison. Certains ont été tués par balle et d’autres sont morts brûlés vifs lorsque les militaires ont incendié leurs maisons. Le nombre total de victimes est difficile à estimer car les militaires ont interdit l’accès au village pendant plusieurs jours au cours desquels ils ont brûlé et jeté de nombreux corps dans la rivière Ruzizi. Le massacre a été commis suite à la mort d’un commandant de l’ANC dans une embuscade attribuée aux éléments du CNDD-FDD571.
- Dans la nuit du 29 au 30 mai 2000, des éléments de l’ALiR ont tué deux civils et en ont blessé plusieurs dans le village d’Igobegobe, à 40 kilomètres de Bukavu, dans le territoire de Kabare. Ils ont aussi enlevé une infirmière qui travaillait au centre sanitaire et pillé systématiquement le village572.
- Le 14 juin 2000, des éléments de l’ALiR ont brûlé vif un civil dans le village de Cishozi, à 35 kilomètres de Bukavu, dans le territoire de Kabare573.
- Le 17 juin 2000, les éléments de l’ALiR responsables de l’attaque du 14 juin sur Cishozi ont pillé le centre ville de Kabare et ses environs. Ils ont notamment volé les biens et le bétail de nombreux civils, pillé l’hôpital de Mukongola, la paroisse catholique de Saint-Joseph, le lycée Canya ainsi que d’autres bâtiments. Les victimes des pillages ont parfois été contraintes de transporter les biens pillés jusqu’au camp des AliR574.
- Le 29 juin 2000, des Mayi-Mayi et des éléments du CNDD-FDD ont pillé les centres sanitaires et les biens de la population dans les villages situés autour de la localité de Lueba, à 78 kilomètres au sud d’Uvira, dans la collectivité de Tanganyika du territoire de Fizi575.
- Le 30 juin 2000, des éléments de l’ANC/APR ont tué au moins 29 civils dans la localité de Lulinda et ses environs (Mwachata et Icwa), à 64 kilomètres au sud d’Uvira, dans la collectivité de Tanganyika du territoire de Fizi. Ils ont aussi violé plusieurs femmes et brûlé des maisons. Les tueries ont eu lieu au cours de la contre-attaque menée par les militaires de l’ANC/APR contre les Mayi-Mayi et les CNDD-FDD dans la région de Baraka576.
- Le 19 juillet 2000, des éléments de l’ANC/APR ont tué 12 civils et en ont blessé quatre autres dans le village de Kikamba, à 84 kilomètres au sud du centre ville de Shabunda, dans le groupement de Begala du territoire de Shabunda. Les victimes participaient à une cérémonie de mariage traditionnel lorsqu’elles ont été tuées par balle. L’attaque des militaires a eu lieu après l’échec de leur opération contre des Mayi-Mayi opérant dans la région577.
354. Entre août 1998 et janvier 2001, les militaires de l’ANC/APR et les Mayi-Mayi se sont affrontés pour le contrôle de la ville minière de Lulingu, qui comporte un nombre important de mines de coltan 578 et dont le contrôle était de ce fait jugé stratégique par les belligérants. L’incident allégué suivant a été documenté :
- En juillet et août 2000, au cours de leurs attaques sur la ville minière de Lulingu, à 90 kilomètres du centre ville de Shabunda, des Mayi-Mayi ont tué un nombre indéterminé de civils, commis des actes cruels, inhumains et dégradants et pillé la ville. Vingt-cinq civils au moins sont morts noyés dans la rivière Lugulu alors qu’ils tentaient de s’enfuir579.
355. Dans le territoire de Shabunda, l’un des principaux chefs des Mayi-Mayi de Bunyakiri avait établi son quartier général dans la localité stratégique riche en minerais de Nzovu, de la chefferie de Bakisi du groupement de Bamuguba-Sud, à 192 kilomètres au sud du centre ville de Shabunda. En 1999, le Gouvernement de Kinshasa avait envoyé par avion sur la piste d’atterrissage de la localité des armes et des munitions afin de soutenir la division Mayi-Mayi Est. Tout au long des années 1999 et 2000, les Mayi-Mayi de Nzovu et les militaires de l’ANC/APR se sont affrontés pour le contrôle de la région. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- Entre le 18 et le 24 août 2000, des éléments de l’ANC/APR ont tué 34 civils, incendié des dizaines de maisons, pillé des biens et volé du bétail dans la localité de Nzovu. Les victimes étaient accusées de collaborer avec les Mayi-Mayi580.
- Le 2 septembre 2000, des Mayi-Mayi et des éléments de l’ALiR ont tué 10 personnes dont des membres de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), un journaliste et deux gardes du parc national de la Kahuzi-Biega, dans les territoires de Kabare/Kalehe. Les victimes participaient à une mission de l’ICCN lorsqu’elles ont été prises dans une embuscade. Plusieurs civils ont également été blessés au cours de l’attaque. Les rescapés ont été détenus pendant une journée par les Mayi-Mayi et les éléments de l’ALiR et contraints de porter les biens pillés lors de l’embuscade. Ils ont ensuite été relâchés581.
- Au cours de la période considérée, des éléments de l’ANC/APR ont tué, violé, torturé et soumis à divers traitements cruels, inhumains et dégradants un nombre indéterminé de civils au centre ville de Mwenga, dans le territoire de Mwenga. Les victimes ont souvent été détenues dans une fosse remplie d’eau salée et pimentée. Elles avaient généralement été accusées d’être des Mayi-Mayi ou de collaborer avec eux. Les corps de certaines victimes ont été jetés derrière la paroisse catholique de Mwenga et découverts plus tard582.
- Le 12 septembre 2000, des éléments de l’ANC basés à Mutarule, à 42 kilomètres au nord d’Uvira ont tué 16 civils lors d’une attaque contre un autobus reliant le village de Rubanga à celui de Sange. Ils ont également tué au moins trois personnes dans le village de Katekama, à proximité de Sange. Ces attaques auraient été menées en représailles à l’assassinat par les Mayi-Mayi d’un militaire de l’ANC583.
- Le 13 octobre 2000, des éléments de l’ALiR ont enlevé un nombre indéterminé de jeunes filles, âgées de 13 à 15 ans, dans le centre ville de Kabare. Certaines des victimes ont été relâchées après avoir été violées, d’autres sont toujours portées disparues. Au cours de leur attaque sur Kabare, les éléments de l’ALiR ont aussi pillé le camp des professeurs de l’institut Kamole. Le 18 octobre, les mêmes éléments sont revenus dans le village et ont pillé pour une seconde fois le camp des professeurs584.
- En octobre 2000, dans le village de Citungano, des éléments de l’ALiR ont enlevé deux civils, un père et sa fille âgée de 14 ans. Après avoir forcé les victimes à porter les biens pillés dans le village, ils ont relâché le père. La jeune fille n’a pu rentrer au village qu’au bout d’une semaine, après avoir été violée585.
- Au cours de la période considérée, les éléments de l’ALiR ont commis de nombreux viols dans les villages du groupement d’Irhambi-Katana, à 54 kilomètres au nord de Bukavu, dans la chefferie de Kabare (notamment dans le parc national de Kahuzi-Biega). Ils ont aussi enlevé de nombreuses femmes qu’ils ont utilisées pendant plusieurs mois, voire des années, comme esclaves sexuelles. Au cours de la même période, ils ont commis des crimes similaires dans le territoire de Kalehe, notamment dans la chefferie de Buloho586.
- Au cours de la période considérée, des éléments de l’ANC/APR ont recruté de nombreux jeunes mineurs dans leurs rangs. Les opérations de recrutement ont eu lieu dans la ville de Bukavu et dans les territoires d’Uvira, Walungu (groupements de Burhale et Kaniola), Kabare (village de Nyamunyunyi) et Kalehe (groupement de Bunyankiri). En août 1998, l’ANC a notamment recruté une centaine d’enfants qui avaient été précédemment démobilisés par l’UNICEF. Au départ, les recrutements ont eu lieu sur la base du volontariat dans le cadre d’une campagne de sensibilisation menée à l’intention des parents. Devant le peu de succès de cette campagne, les militaires de l’ANC ont procédé systématiquement à des recrutements forcés. De nombreux enfants ont ainsi été enlevés à la sortie des écoles ou sur les marchés. Les recrues ont été contraintes de suivre une formation militaire au Congo ou au Rwanda, sous les ordres de militaires de l’APR. En 2002, il y avait encore plus d’un millier de mineurs dans les rangs de l’ANC. En dépit des dénégations officielles, les recrutements forcés d’enfants se sont poursuivis au moins jusqu’en juin 2003587.
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