Section II > CHAPITRE II. Actes de violence commis contre les enfants > B. Cas particulier des enfants associés aux forces et groupes armés (EAFGA) >5. Démobilisation et réintégration
Les premiers efforts de démobilisation remontent à 1998 et tous les accords de paix et de cessez-le-feu depuis ceux de Lusaka en 1999 n’ont cessé de souligner l’obligation des groupes armés de démobiliser les EAFGA et de mettre fin à leur recrutement ainsi qu’à leur utilisation.
En réaction aux pressions nationales et internationales pour mettre fin au recrutement et à l’utilisation d’EAFGA, la plupart des dirigeants de groupes armés ont exprimé leur opposition à cette pratique et donné des promesses de mettre fin à l’enrôlement d’enfants. Pourtant la démobilisation des EAFGA est souvent restée symbolique et s’apparentait plutôt à un exercice de relations publiques qu’à un véritable engagement sincère. En réalité, un grand pourcentage des EAFGA démobilisés ont en fait été de nouveau recrutés par la suite1305.
En 2000, dans son rapport sur les enfants et les conflits armés, le Secrétaire général estimait que le nombre d’enfants de moins de 15 ans dans les forces et groupes armés en RDC se situait entre 10 000 et 20 0001306 . La même année, le Président Kabila signa un décret interdisant le recrutement d’enfants de moins de 18 ans dans les forces armées et le déploiement d’enfants soldats dans des zones de combat. Durant la même période, le RCD-Goma a émis une instruction pour la création d’une commission sur la démobilisation et la réinsertion des enfants soldats dans le territoire sous son contrôle1307. Mais les résultats se sont fait attendre, d’un côté comme de l’autre. En mai 2001, le Représentant spécial du Secrétaire général (RSSG) pour les enfants et les conflits armés, M. Olara Otunnu, a visité la RDC et s’est entretenu avec le Président Joseph Kabila, avec les dirigeants du RCD et avec les dirigeants du Front pour la libération du Congo (FLC), dirigé par Jean- Pierre Bemba1308. À la suite de cette visite, aussi bien le Gouvernement que le RCD ont élaboré des plans d’action pour la démobilisation des EAFGA. Au début
de l’année 2001, le Gouvernement a accepté la démobilisation d’un total de 4 000 EAFGA mais seulement environ 300 d’entre eux furent libérés une année plus tard 1309. À la même époque le RCD estimait le nombre d’ EAFGA associés à ses forces à 2 6001310. Des camps de transit et d’orientation furent mis en place à Kisangani, Goma et Bukavu. Pourtant, une fois encore, en dépit de ces revendications, les groupes armés ont continué enrôler des enfants. L’ANC/APR a par exemple intégré dans son armée les EAFGA qui servaient dans les forces de défense locale (FDL)1311. En novembre 2003, seulement environ 650 EAFGA avaient été démobilisés par le RCD-Goma depuis décembre 20011312.
Des enfants rwandais ont aussi été recrutés et utilisés par plusieurs groupes, surtout par les ex-FAR/Interahamwe/ALiR/FDLR, les différents groupes Mayi-Mayi et en partie par le RCD. Entre mai 2001 et juillet 2004, plus de 550 d’entre eux ont été démobilisés. Beaucoup d’entre eux avaient quitté le Rwanda avec leurs familles, pendant ou immédiatement après le génocide de 1994. Ils ont été recrutés ou enlevés dans les camps de réfugiés et les villages dans lesquels ils vivaient1313.
Des EAFGA ont également été abandonnés ou libérés par les différents groupes armés de manière ad hoc1314. Au début de l’année 2003, le RCD-ML a donné accès à certains camps à des ONG et des dizaines d’EAFGA ont pu être libérés et confiés à une ONG locale, en vue de leur réintégration dans leurs communautés1315. Mais ces maigres avancées ont toujours été contrecarrées par la poursuite de recrutement en parallèle, y compris l’enlèvement des filles à des fins sexuelles – en particulier au Maniema, au Katanga, dans les Kivu et en Ituri1316 -, et la continuation de l’utilisation généralisée d’EAFGA1317. L’intensification du conflit en Ituri en mai 2003 a par exemple donné lieu à une augmentation sensible des opérations de recrutement d’EAFGA par toutes les parties au conflit1318.
L’absence d’un plan national sur le DDR jusqu’au mois de juillet 2004 a fait que la démobilisation des EAFGA est restée fragmentaire et difficile. Un grand nombre de démobilisations ont été atteintes par des négociations directes sur des cas particuliers1319. La reprise des recrutements, l’insécurité perpétuelle, le manque de capacités locales pour recevoir des enfants et l’absence d’alternatives viables pour les jeunes ont été des obstacles – qui perdurent jusqu’à aujourd’hui – à la réintégration effective.
Malgré toutes ces difficultés, le grand nombre d’enfants démobilisés à partir de 2004, plus de 30 000, confirme l’étendue du problème des EAFGA1320. Il faut noter que très peu de filles EAFGA ont été démobilisées: jusqu’en 2003 Save the Children en comptait seulement neuf 1321! Même si les filles n’ont pas toujours été aussi visibles en tant que soldats, il a été estimé que des milliers d’entre elles faisaient partie des groupes armés, en particulier aux fins d’exploitation sexuelle. Par peur de la stigmatisation, la plupart des filles ont choisi de s’auto-démobiliser quand elles en ont eu la chance, mais beaucoup d’autres n’ont pas été libérées par leurs commandants et ont été déclarées comme «épouses».