Section I > CHAPITRE IV. Janvier 2001-juin 2003 : Vers la Transition > D. Nord-Kivu
Petit-Nord
Ville de Goma, territoires de Masisi, Rutshuru, Walikale et Nyiragongo
Grand-Nord
Territoires de Beni et Lubero
439. À compter de la fin de 2000, le RCD-Goma a tenté de renforcer sa base populaire dans le Nord-Kivu. À cet effet, il a nommé au poste de Gouverneur de la province un Banyarwanda hutu, Eugène Serufuli. Ce dernier a tenté de recréer autour du concept de « rwandophonie » l’unité mise à mal, depuis le début des années 90, entre Banyarwanda tutsi et hutu. Afin de briser l’alliance nouée entre les Mayi-Mayi et les ex-FAR/Interahamwe et les groupes armés hutu regroupés au sein des FDLR, le Gouverneur a proposé aux Mayi-Mayi une paix séparée et recruté massivement des Banyarwanda hutu au sein de forces de défense locales, appelées aussi « Local Defence Forces », alliées aux militaires de l’ANC/APR.
440. Malgré l’échec de l’opération « Oracle du Seigneur » lancée par les FDLR contre le Rwanda en mai-juin 2001 et le début du retrait des militaires rwandais de la province en septembre 2002, la stratégie du RCD-Goma envers les groupes Mayi-Mayi et les Banyarwanda hutu n’a cependant pas eu l’impact escompté. La plupart des groupes Mayi-Mayi, encouragés en cela par le Gouvernement de Kinshasa ont en effet refusé de négocier avec le RCD-Goma et ont maintenu leur alliance avec les FDLR. En réaction, le RCD-Goma a tenté de diviser les différents groupes Mayi-Mayi et offert à certains chefs Mayi-Mayi des postes dans l’ANC en échange de leur collaboration dans la guerre contre les groupes coopérant avec les FDLR. Comme lors de la période précédente, sur fond de pillage généralisé des ressources naturelles par les différentes forces en présence, les civils ont continué d’être pris pour cibles par les groupes armés. Compte tenu des difficultés d’accès à certaines zones et du manque de temps, l’Équipe Mapping n’a pu documenter que quelques cas de violations alléguées qui sont présentés ci-dessous à titre d’illustration.
Ville de Goma, territoires de Masisi, Rutshuru, Walikale et Nyiragongo (Petit-Nord)
- Début novembre 2002, des éléments de l’ANC ont tué un nombre indéterminé de personnes d’ethnie hunde lors d’une attaque contre le village de Bushimoo du groupement Bashali Mokoto, dans le territoire de Masisi. Les victimes étaient accusées de soutenir un groupe Mayi-Mayi commandé par un chef hunde qui collaborait avec les FDLR. L’ANC avait recruté en son sein un ancien membre du groupe Mayi-Mayi originaire de ce village et d’ethnie nyanga801.
- Le 3 novembre 2002, des éléments du groupe Mayi-Mayi commandé par un chef hunde ont incendié plusieurs villages Nyanga dans le groupement de Bashili Mokoto, faisant un nombre indéterminé de victimes802.
- Entre le 21 et le 23 janvier 2003, des éléments de l’ANC ont tué un nombre indéterminé de civils hunde dans les villages de Bushimoo, Kauli et Binyungunyungu du groupement de Bashali Moboto. Le 21 janvier, ils ont ouvert le feu sur les civils dans le village de Bushimoo. Le 22 janvier, ils ont tué une quinzaine de personnes au pont sur la rivière Osso. Le 23 janvier, ils ont incendié les villages de Kauli et Binyungunyungu. Au cours de ces attaques, les militaires ont violé au moins une femme803.
- Le 25 février 2003, des éléments de l’ANC ont ouvert le feu sur la population des villages de Bushimoo et Kailenge, tuant au moins 44 personnes. La tuerie a eu lieu alors que les responsables du RCD-Goma avaient demandé à la population locale de venir assister à une réunion publique au cours de laquelle le nouveau commandant du village de Bushimoo, un ancien Mayi-Mayi rallié à l’ANC devait lui être présenté804.
- En avril 2003, des éléments de l’ANC ont tué cinq civils et ont torturé deux femmes dans la forêt entourant le village de Kabusa, à une dizaine de kilomètres de la ville de Walikale. Les victimes s’étaient réfugiées dans la forêt afin de fuir les combats opposant les militaires de l’ANC aux éléments Mayi-Mayi dans le village voisin de Biruwe. Les militaires accusaient les victimes de collaborer avec les Mayi-Mayi805.
- Le 26 juin 2003, des éléments de l’ANC ont tué à coups de baïonnette sept habitants du village de Lukweti considéré par les militaires comme un fief Mayi-Mayi. Avant de partir, les militaires ont systématiquement pillé le village806.
441. Au cours de la période considérée, les populations pygmées ou Twa des territoires de Beni et Butembo ont été régulièrement attaquées par les militaires de l’ANC et les FDLR. Les pygmées étaient régulièrement accusés de collaborer avec l’un ou l’autre groupe armé. Il semble cependant que certaines violations, comme les viols, aient été motivées par la croyance selon laquelle le viol des femmes pygmées constitue un remède contre les maladies. Dans ce contexte, l’Equipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
- En mars 2003, des éléments de l’ANC ont violé collectivement un nombre indéterminé de Pygmées dans le village de Mubambiro, à la lisière du parc national des Virunga, à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma. Ils leur ont aussi infligé des traitements cruels, inhumains ou dégradants et les ont détenus arbitrairement. Les victimes étaient accusées de collaborer avec les FDLR. Dans le même temps, des éléments des FDLR ont également violé des femmes pygmées du même village807.
- En septembre 2003, des éléments de l’ANC ont violé collectivement un nombre indéterminé de Pygmées dans le village de Mudja, à la lisière du parc national des Virunga, à une quinzaine de kilomètres au nord de Goma. Il leur ont aussi infligé des traitements cruels, inhumains ou dégradants et les ont détenus arbitrairement808.
Territoires de Beni et Lubero (Grand-Nord)
442. Dans les territoires de Beni et Lubero contrôlés par le RCD-ML, les combats entre, d’un côté les troupes de l’APC (branche armée du RCD-ML) et de l’UPDF et, de l’autre, les différents groupes Mayi-Mayi locaux se sont poursuivis. L’incident allégué suivant a été documenté :
- En 2001, des éléments de l’APC ont tué au moins cinq civils et incendié des maisons dans le village de Kiantsaba, à 15 kilomètres de Beni. Depuis longtemps déjà, les militaires de l’APC et les Mayi-Mayi de Vurondo se disputaient le contrôle du village809.
443. À compter de 2001, des groupes Mayi-Mayi et des militaires de l’UPDF, soutenus parfois par des éléments de l’APC, se sont livrés à des combats acharnés pour le contrôle du village d’Irango, à une vingtaine de kilomètres de Beni. L’incident allégué suivant a été documenté :
- En 2001, des éléments de l’UPDF ont tué un nombre indéterminé de personnes dans le village d’Irango. Les victimes étaient accusées de soutenir les Mayi-Mayi. Les militaires ont aussi violé de nombreuses jeunes filles. Au cours de l’attaque, ils ont incendié et pillé plusieurs maisons810.
444. Dans la ville de Beni, les militaires de l’UPDF ont fait régner un climat de terreur pendant plusieurs années en toute impunité. Ils ont exécuté sommairement des civils, torturé et détenu arbitrairement un nombre indéterminé de personnes, dont plusieurs dans des trous boueux de deux ou trois mètres de profondeur. L’incident allégué suivant a été documenté :
- Tout au long de 2001, des éléments des FDLR ont terrorisé et tué des dizaines de civils dans la région située au nord de Kanyabayonga. Des tueries de civils ont été signalées notamment dans les villages de Kayna, Mayene, Nyamindo, Kisandja et Kiteka811.
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